Publié par CEMO Centre - Paris
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Polémique autour de la neutralité tunisienne sur la crise libyenne : La communication de trop entre Ghannouchi et Al Sarraj ?

mardi 26/mai/2020 - 02:48
La Reference
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La question des alliances internationales, pro-Frères musulmans, d’Ennahdha et de son leader, Rached Ghannouchi, défraie, encore une fois, la chronique. Le leader d’Ennahdha a téléphoné à Fayez Al Sarraj, suite à la reprise par ses forces de la base aérienne d’El Watiya, dans l’Ouest libyen.

Cela pose un véritable problème à la neutralité de la diplomatie tunisienne sur la question libyenne. Les médias s’emballent et la polémique bat son plein.

Rached Ghannouchi ne veut pas faire de différence entre sa casquette de président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), en Tunisie, et celle de leader de son mouvement islamiste, Ennahdha.

Or, cela lui crée de véritables problèmes. Ainsi, il traite avec Khaled Mechri, le président du Conseil de l’Etat en Libye, une instance ne constituant pas l’équivalent constitutionnel de l’ARP, mais Ghannouchi la préfère à l’Assemblée des députés, désignée par l’accord de Sekhirat, pour une question d’allégeance politique.

Double casquette                               

Khaled Mechri étant un frère musulman de pure souche. Ghannouchi joue à fond les intérêts de l’axe Istanbul-Doha sur le dossier libyen, ce qui n’est pas le cas du président Kaïs Saïed. Ce dernier est beaucoup plus neutre en matière d’alliances internationales.

Il jongle entre ses remerciements à l’émir du Qatar, Tamim, pour son envoi d’un hôpital mobile de campagne, et ses promesses à l’émir Mohamed Ben Zayed, de renforcer le partenariat tuniso-émirati. Cette bipolarisation pose problème à la tête de l’Etat en Tunisie.

La Constitution tunisienne n’est certes pas muette sur les attributions de chacun des présidents, celui de la République, de l’ARP et du chef du gouvernement. La diplomatie est un domaine partagé entre la présidence de la République et le ministère des Affaires étrangères.

Mais Ghannouchi fait semblant d’ignorer ces détails et classe ses communications téléphoniques comme étant personnelles, feignant d’oublier qu’il est le président de l’ARP. Au fait, il est en train d’exploiter l’absence d’une véritable opposition, au sein de l’Assemblée, pouvant lui contester sa présidence. Seul le Parti destourien libre (PDL) de Abir Moussi s’affirme, tout le temps, anti-Ennahdha.

Les autres sont plutôt occupés par les soucis de gouvernance, au sein d’une alliance comprenant Ennahdha. Par ailleurs, le président de la République, Kaïs Saïed, et le chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh, souffrent du fait de ne pas disposer d’assise parlementaire.

Asymptomatique

Cette situation politique asymptomatique, née de l’absence de majorité claire au sein de l’Assemblée, pose un problème d’identité à la Tunisie. Fakhfakh est loin d’être un islamiste, bien qu’il soit porté par une majorité, dont Ennahdha est le plus important parti.

Le programme politique de Fakhfakh, candidat à la présidence de la République, condamne l’exigence d’un contrat de mariage à un couple d’adultes voulant séjourner ensemble dans un hôtel, ou, encore, le test anal, pour valider les pratiques homosexuelles.

Le président Saïed ne gravite pas, non plus, dans le giron des Frères musulmans. Loin de là ! Ses dernières sorties montrent clairement son penchant anti-Ennahdha. «Vous avez dépassé vos prérogatives depuis que les nominations des directions générales de la sûreté, relevant du ministère de l’Intérieur, se décident depuis votre palais», signale le député islamiste Saïd Ferjani à l’adresse du président de la République. C’est dire la tension existante entre les deux bords.

Par ailleurs, la centrale syndicale ouvrière, l’UGTT, s’est clairement ralliée du côté du président de la République, en demandant de faire un référendum populaire pour s’exprimer sur la nature du régime politique en Tunisie. Néanmoins, et en l’absence d’un statut clair du régime, c’est la partie politique, qui dispose de la possibilité de manœuvrer, qui mène le bal.

Et à ce titre, ce sont les islamistes d’Ennahdha qui sont les premiers sur la scène. Il est vrai que Ghannouchi et Ennahdha ont peur de la possibilité de le destituer.

Mais, face au morcellement notable des partis politiques, les islamistes continuent à mener le pays. Il n’empêche qu’Ennahdha et Qalb Tounes (de Nabil Karoui) ont préparé un projet d’articles pour le règlement intérieur de l’ARP, interdisant le nomadisme parlementaire, pour faire face à une éventuelle destitution de Ghannouchi. La Tunisie réussit son combat contre le coronavirus, alors qu’elle vit un plein chaos politique.

                                                                         


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