En Turquie, des tensions apparaissent au sein de l’armée
La rétrogradation, puis la démission du contre-amiral Cihat Yayci, connu pour avoir été l’architecte de l’engagement militaire d’Ankara en Libye, ont créé une onde de choc en Turquie, où les rapports entre l’armée et le pouvoir civil ont connu de nombreux revirements ces dernières années. Populaire au sein des cercles nationalistes, Cihat Yayci, 54 ans, occupait depuis 2017 le poste de chef d’état-major de la marine turque. Jusqu’ici, sa carrière semblait en pleine ascension. Le décret présidentiel signé vendredi 15 mai à 3 heures du matin, juste après la prière de la nuit, a mis fin à ses espoirs de carrière. D’un trait de plume, le président turc Recep Tayyip Erdogan l’a démis de sa fonction de chef d’état-major de la marine pour le verser à l’état-major général, sans plus de précisions sur les fonctions qu’il était censé y exercer.
S’estimant injustement sanctionné, M. Yayci a démissionné trois jours plus tard. Dans sa lettre de démission, rendue publique le 18 mai, il explique qu’il lui est impossible d’accepter sa nouvelle nomination, évoque « des mensonges et des calomnies » et conclut à « un complot » ourdi contre sa personne.
Cette allusion au « complot » est d’autant plus troublante que le contre-amiral était de ceux qui se sont rangés aux côtés du président Erdogan lors du coup d’Etat manqué de juillet 2016, dont la paternité a été attribuée au prédicateur Fethullah Gülen, un ancien allié du numéro un turc, devenu depuis sa bête noire. Fervent partisan de M. Erdogan, ennemi juré de Gülen, M. Yayci avait d’ailleurs développé une technique particulière pour identifier les prétendus adeptes de l’imam dans l’armée. Grâce à ce système appelé « FETÖmètre » (le terme FETÖ désignant les « gülenistes terroristes »), des dizaines de milliers de militaires ont été limogés et jetés en prison en raison de leur implication présumée dans le putsch raté de 2016.