Syrie: brouille fracassante au sein du clan dirigeant
Retour sur la disgrâce
retentissante du plus riche homme d’affaires de Syrie, Rami Makhlouf, cousin du
président, qui était considéré comme un des piliers indéboulonnables du régime
syrien, et qui vient de faire l’objet d’une saisie de ses biens, ordonnée par
le gouvernement de Bachar el-Assad.
Dans un système politique opaque comme celui de la Syrie, les raisons d’une
telle disgrâce ne sont pas dites ouvertement. Mais cette brouille brutale entre Bachar el-Assad et son cousin Rami
Makhlouf est d’abord une brouille d’argent, qui
explique en partie la rapidité de la disgrâce de Rami Makhlouf. Mardi 19 mai,
le ministre des finances a donc ordonné la saisie des biens du richissime homme
d’affaires.
C’est le dernier épisode de la défaveur inattendue de celui qui était
considéré, jusqu’à l’été dernier, comme un intime du clan Assad, l’ami
d’enfance et cousin du président.
Tout commence en août dernier, quand le gouvernement durcit le ton contre
plusieurs hommes d’affaires, dont Rami Makhlouf, officiellement au nom de la
lutte anti-corruption. Cette opération « mains propres », si l’on ose
dire, est notamment soutenue par l’épouse de Bachar, Asma el-Assad. Elle
est alors violemment prise à partie sur les réseaux sociaux, accusée justement
de dépenser des fortunes. La meilleure défense étant l’attaque, le régime
décide de donner un signal, mais choisit de s’en prendre, non pas à la première
dame, mais à ces hommes d’affaires auxquels il a pourtant laissé carte blanche
depuis des années pour mettre l’économie syrienne en coupe réglée. Mais avec
deux contreparties essentielles : une fidélité totale à l’appareil
étatique et l’obligation de financer le régime, en reversant à ce dernier une
partie des mirifiques profits qu’ils encaissent.
Rami Makhlouf contrôlerait jusqu'à 60%
de l'économie syrienne
Rami Makhlouf est la quintessence de cette classe d’affaires. Grâce à la
bienveillance de son cousin, il a acquis nombre de sociétés privatisées par
Bachar depuis les années 2000. Et il contrôlerait aujourd’hui jusqu’à 60% de
l’économie syrienne - des télécoms au BTP, en passant par l’immobilier et le
négoce du pétrole.
De quoi se croire intouchable. Et le magnat se met à dire haut et fort que,
concernant les exigences financières du régime, l’addition devient trop salée.
Erreur fatale, que Makhlouf paye aujourd’hui très cher. Cette affaire révèle
donc un système impitoyable, mais aussi un régime dont le besoin d’argent pour
terminer sa sale guerre est devenu exponentiel.
Un régime enfin aux abois, qui n’a dû sa survie qu’au parrainage de deux
puissances étrangères, l’Iran et la Russie. Elles font maintenant pression,
surtout la Russie, pour que le régime investisse vite dans la reconstruction
des infrastructures, pour ensuite avoir leur part du gâteau économique. Tous
ces facteurs expliquent cette chronique d’une disgrâce fulgurante dans un
système en même temps implacable et à bout de souffle.