Grâce au Jenner Institute, Oxford est à la pointe dans la course au vaccin
On ne présente plus l'université d'Oxford, ses collèges à l'architecture gothique, ses splendides jardins et ses cloîtres tranquilles. La plus ancienne université britannique, dont les racines remontent au XIIesiècle, est un écrin d'histoire et de savoir réputé dans le monde entier.
Pourtant, c'est à des encablures du centre historique, dans un parc industriel à l'architecture banale que se tapit le laboratoire le plus avancé parmi les programmes de recherche sur un vaccin contre le coronavirus. Niché sur le campus de l'Old Road, le Jenner Institute (JI) tient actuellement la corde dans la course des tests cliniques à grande échelle sur l'homme pour mettre au point le vaccin tant attendu.
Le bâtiment couleur chlorophylle, qui abrite ce centre de recherche fondé en 2005, ne projette ni puissance ni arrogance. La seule touche originale de cette entreprise para-universitaire, où travaillent une centaine de chercheurs et de doctorants, est le buste d'Edward Jenner qui inventa le vaccin contre la variole en 1796.
« Créer des synergies de développement de vaccins »
D'après son site Internet, la mission de l'enseigne est de « créer des synergies de développement de vaccins au profit des êtres humains comme des animaux ». On n'en saura pas plus. Depuis l'annonce, le 23 avril, du début des tests d'un vaccin maison sur un millier de volontaires âgés de 18 à 55 ans, le directeur du centre, Adrian Hill, et son adjointe, Sarah Gilbert, la coordinatrice du projet « Covid-19 » sont aux abonnés absents. Confronté au déluge de demandes d'interviews et de visites venus des médias du monde entier (dont Le Point), le Jenner Institute s'est refermé comme une huître.
D'après le communiqué publié par l'université d'Oxford, le nombre de cobayes humains devrait atteindre 6 000 à la fin mai. Un partenariat a été signé avec sept groupes de biotechnologie réputés pour fabriquer le vaccin au Royaume-Uni, en Europe occidentale, en Chine et en Inde. On n'en saura pas plus là non plus.
« L'homme qui va nous sauver », c'est en ces termes dithyrambiques que la télévision indienne a décrit Adrian Hill, le patron du Jenner Institute. Âgé de 61 ans, cet Irlandais moulé au Trinity College et à Oxford est un expert des maladies infectieuses. Sa philosophie est simple : « les vaccins sont une bonne chose pour vaincre la pandémie, et l'inverse, qu'une pandémie permet de développer de nouveaux vaccins, est également vrai ». Au cours de sa carrière, l'intéressé s'est distingué dans la recherche de vaccins contre la malaria, le sida, la tuberculose et, plus récemment, Ebola.
Un vaccin espéré dans une dizaine de mois
« Dans le sprint mondial contre le coronavirus, l'université d'Oxford est largement en tête », a applaudi le Times. Hill n'est pas dupe. En matière de louanges, l'hyperbole est suspecte. Si le Jenner Institute espère créer un vaccin d'ici douze à dix-huit mois, son patron souligne les nombreux défis à affronter, à l'instar de l'innocuité du produit, l'affaiblissement de la défense immunitaire et le type de protection offerte. La technologie est incertaine et de possibles problèmes de mutation du virus peuvent se produire.
Par ailleurs, la concurrence est féroce. Son grand concurrent britannique est l'Imperial College, le célèbre centre de recherche universitaire londonien, dont les essais sur l'homme doivent débuter en juin. Sur le créneau choisi par l'IJ, le vaccin à « vecteur viral », l'Institut Pasteur et l'Institut technologique chinois sont également sur les rangs. Au total, quelque soixante-dix programmes de recherche sur un vaccin contre le coronavirus sont actuellement conduits à travers le monde. Le marché des vaccins est estimé à 35 milliards de dollars (32 milliards d'euros) par an. En 2019, son taux de croissance s'est élevé à 8 %.
Plusieurs atouts de poids
Dans la course au vaccin, le Jenner Institute possède plusieurs atouts de poids. Tout d'abord, outre son savoir-faire acquis lors de la pandémie d'Ebola, l'établissement bénéficie de ses recherches sur le fléau du « Middle East respiratory syndrome » (Mers-CoV), une variante hautement pathogène du coronavirus découverte en 2012 au Moyen-Orient.
Ensuite, le Jenner Institute fait partie intégrante de l'organisation de la technopole à l'anglaise, le « cluster » regroupant autour de l'université, en l'occurrence la faculté de médecine Nuffield, un hôpital, des PME de biotechnologie, des grands groupes pharmaceutiques, des sociétés de haute technologie médicale, de contrôle et de certification.
Aussi, son statut non lucratif lui permet d'éviter de devoir octroyer des licences exclusives aux grands labos pharmaceutiques en vue d'assurer l'accès équitable pour tous. La philosophie d'Adrian Hill est sans ambages : « Personne ne doit s'enrichir sur le dos d'un vaccin.