Crise au Liban: nouveaux heurts entre manifestants antipouvoir et soldats
De nouveaux heurts ont opposé mardi à Tripoli, la capitale du nord du Liban, l'armée aux manifestants antipouvoir qui ont relancé leur mobilisation pour dénoncer une inflation galopante et une dépréciation sans précédent de la monnaie nationale, en pleine pandémie de Covid-19.
Après quelques heures de calme à Tripoli, les manifestants sont de nouveau descendus en fin de soirée dans la rue faisant craindre de nouvelles violences marquées la nuit dernière par la mort d'un manifestant de 26 ans, tué par balle par l'armée lors d'affrontements entre les deux camps.
Dans la capitale libanaise Beyrouth, une centaine de manifestants ont défilé dans le quartier Hamra de Beyrouth, où se trouve le siège de la Banque centrale, scandant des slogans contre son gouverneur. A Saïda (sud), des manifestants ont lancé des cocktails lomotov sur la branche locale de la Banque centrale.
La deuxième ville du pays, Tripoli, a été le théâtre de violences dans la journée. Des centaines de jeunes en colère ont saccagé et incendié une demi-douzaine de banques, arraché les pavés des trottoirs pour les lancer sur l'armée et incendié deux de leurs véhicules. Ils ont été dispersés à coups de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc.
Plus de 20 manifestants ont été blessés, dont sept hospitalisées, selon la Croix-rouge libanaise. La veille, outre le manifestant tué, une vingtaine de civils ont été blessés ainsi que 40 militaires selon l'armée.
Face à la crise économique inédite depuis la fin de la guerre civile (1975-1990) et malgré les restrictions imposées face au nouveau coronavirus, la mobilisation populaire -- déclenchée initialement à l'automne dernier-- a repris il y a quelques jours contre le pouvoir accusé de corruption et d'incompétence. Plusieurs banques ont été vandalisées à travers le pays.
- "Cri des gens" -
"Je veux élever la voix contre la faim, la pauvreté, l'inflation et l'injustice", a lancé un manifestant de 41 ans, Khaled.
Ce vendeur de pièces de rechange pour motos dit ne plus pouvoir subvenir aux besoins de ses trois enfants depuis la perte de son emploi, dans un contexte dégradé avec la pandémie.
Le Premier ministre Hassan Diab a reconnu "une aggravation à une vitesse record de la crise sociale", assurant "comprendre le cri des gens", mais a également rejeté "tout vandalisme", lors d'une réunion du gouvernement.
Il a dans le même temps dénoncé les "intentions malveillantes en coulisses", les partis politiques étant engagés dans des querelles politiciennes.
Son ministre de l'Economie, Raoul Nehmé, a fait état d'une hausse de 55% des prix sans préciser la période correspondante.
La crise économique a été le principal catalyseur en octobre 2019 d'un soulèvement inédit contre une classe politique inchangée depuis des décennies et accusée de corruption et d'incompétence.
Elle s'est amplifiée avec l’interdiction par les banques de tout virement à l'étranger et la mise en place de restrictions draconiennes sur les retraits en dollars, suspendus totalement en mars.
Les banques sont accusées par la rue de complicité avec le pouvoir et d'avoir contribué à l'endettement public effréné et la faillite de l'Etat.
- "Explosion inévitable" -
Tout cela a été aggravé par les mesures préventives contre la propagation du virus, qui ont paralysé un pays où sont officiellement recensés 717 cas, dont 24 décès.
Au Liban, environ 45% de la population vit désormais sous le seuil de la pauvreté, selon des estimations officielles.