Sahel : les armées britanniques et américaines vont rester
Pour Paris, la nouvelle est d'une importance capitale. Britanniques et Américains prolongent pour l'instant leur soutien au Sahel à l'opération anti-djihadiste française Barkhane en maintenant leurs moyens sur place, a affirmé ce vendredi 24 avril la ministre des Armées, Florence Parly, dans un entretien au quotidien régional Sud Ouest. « Le Royaume-Uni a décidé de maintenir ses hélicoptères Chinook sur place. Quant aux États-Unis, ils ont différé leur décision de désengagement. Leurs moyens sont toujours en place », confirme-t-elle.
L'apport des armées anglo-américaines jugé stratégique
Le Pentagone avait ouvertement envisagé ces derniers mois de réduire drastiquement la voilure en Afrique de l'Ouest. Or Washington fournit aux 5 100 soldats français de l'opération Barkhane des capacités cruciales de renseignement et de surveillance, notamment grâce à ses drones, du ravitaillement en vol et du transport logistique pour un coût de 45 millions de dollars par an.
Depuis juillet 2018, l'armée de l'air britannique fournit quant à elle une aide précieuse aux troupes françaises au Sahel avec trois hélicoptères lourds CH-47 Chinook et une centaine d'aviateurs, pour des missions de logistique, ravitaillement et transport de troupes. Mais leur mandat devait s'achever à l'été 2020.
La ministre française des Armées en avait fait son cheval de bataille lors de sa rencontre, le 27 janvier, avec son homologue américain, Mark Esper, à Washington. La responsable française ne cachait pas alors son inquiétude face à la volonté affichée des États-Unis de réduire les moyens au Sahel pour concentrer leurs efforts sur les nouvelles menaces représentées par la Chine et la Russie.
En attendant la force Tabuka
Florence Parly était justement en visite au 5e régiment d'hélicoptères de combat (RHC) de Pau (Sud-Ouest), endeuillé par la mort de deux de ses militaires le 16 avril lors d'un accident pendant un vol d'entraînement. « Dans l'aérocombat et dans le domaine aérien de manière générale, le risque zéro n'existe pas », mais « nous faisons tout pour qu'il soit réduit à son minimum », assure la ministre dans les colonnes de Sud Ouest. « Je veux redire ma confiance et ma fierté à ce régiment. Au Sahel, son engagement est sans faille et ses hélicoptères, un atout précieux », conclut-elle. En notant que les groupes djihadistes qui opèrent dans cette région visent davantage l'Europe que les États-Unis, le chef du commandement américain pour l'Afrique (Africom), le général Stephen Townsend, avait estimé que « l'Europe peut et doit en faire davantage avant que les États-Unis en fassent davantage dans cette partie du monde ».
Fin novembre, la base militaire de Pau et le 5e régiment d'hélicoptères de combat avaient déjà perdu sept des leurs, décédés dans un accident d'hélicoptères au Mali qui avait coûté la vie à 13 militaires français, la plus importante perte de l'armée française en opération depuis 1983.
En attendant, « la force Takuba », Barkhane poursuit ses opérations au Sahel. Promise depuis l'été 2019, la force, qui doit compter quelques centaines d'hommes de onze pays européens, débutera cet été ses opérations sous commandement français dans la région du Liptako, aux confins du Niger et du Mali, réputée servir de sanctuaire à des groupes djihadistes, dont l'État islamique au Grand Sahara (EIGS). « Avec Takuba, les Européens montrent leur capacité à se mobiliser ensemble pour leur sécurité », avait déclaré la ministre française des Armées sur Twitter. Pour autant, si les 11 pays européens apportent leur soutien politique à la création de Takuba, ils n'y participent pas tous pour autant.
Finalement, seuls six pays ont annoncé leur contribution : la France, la Belgique, le Danemark, l'Estonie, les Pays-Bas et le Portugal. La Suède, elle, attend un feu vert de son Parlement pour confirmer sa participation à Takuba, sous la forme d'une force de réaction rapide héliportée de 150 personnes. Sollicitée, la Norvège a annoncé renoncer à envoyer des soldats à ce stade faute de soutien politique interne suffisant. L'Allemagne a également décliné.