Les Frères et les soufis… Les contradictions du guide et de ses adeptes
Duaa Imam
Avant d’avoir atteint sa quatorzième
année, le jeune Hassan al Banna (fondateur du groupe des Frères en 1928) demanda
à un commerçant du nom de Bassiouni al-Abd de le présenter à Abdel Wahhab al-Hussafi
(fils du cheikh de la confrérie soufie Hussafiya) dans le but de prêter
allégeance au cheikh pour devenir un disciple de la confrérie. C’est ainsi
qu’il fréquentait la séance organisée par celle-ci chaque soir à la mosquée.
Les Frères reprochent aux soufis, lorsque
ceux-ci désirent fêter le jour d’Achoura, la visite du tombeau de l’imam
al-Hussein au Caire et leur amour pour la famille du Prophète, ignorant l’aveu
d’al-Banna dans son autobiographie (Mémoires de la prédication et du
prédicateur) : « Nous suggérions, lors de nombreux vendredis que nous
passions à Damanhour, d’aller visiter l’un des saints de cette ville : nous
visitions parfois Dessouq et partions tout de suite après la prière de l’aube,
et arrivions trois heures plus tard à environ 8 heures du matin, nous faisions
la visite et ensuite la prière du vendredi, et nous nous reposions après le
déjeuner… Parfois nous visitions Ezbat an-Nawwam, où avait été enterré le
cheikh Sayyed Sangar, de la confrérie Hussafiyya.
Le fondateur « darwich »
L’école primaire des enseignants de
Damanhour à laquelle s’inscrivit al-Banna (1906-1949), qui était l’un des
bâtiments adjacents au mausolée et à la tombe d’al-Hussafi (cheikh de la
confrérie) comprenait les fondations d’une mosquée qui n’avait pas encore été
achevée. Le jeune garçon s’attacha au cheikh de la confrérie et sortit avec ses
disciples pour aller fêter les mouleds, il visita les mausolées des cheikhs et
chanta les cantiques de la confrérie.
La meilleure preuve du soufisme d’al-Banna
à ses débuts est donnée dans ses mémoires : « Je me souviens que nous
avions l’habitude de sortir pour fêter le mouled du Prophète avec le groupe
après la séance dans la maison d’un Frère, chaque soir du premier jour du mois
de Rabie al-Awwal jusqu’au douzième, et il se trouva qu’une nuit, c’était le
tour de notre frère Chalabi ar-Rigal, et nous partîmes comme à l’habitude après
la prière du soir et trouvâmes la maison éclairée, propre et prête, et il
distribua les boissons, le café et la qerfa (boisson à la cannelle), puis nous
sortîmes avec le groupe en chantant les cantiques habituels ».
Attaque contre les soufis
La position du fondateur du groupe et de
ses adeptes vis-à-vis des soufis changea après 1928, et les Frères ne se
lassèrent pas à partir de ce moment de répéter leur rengaine selon laquelle
leur cheikh n’avait emprunté aux soufis que ce qui ne contredisait pas la
religion, et qu’il ne visitait pas les tombes, et ne cherchait pas la
bénédiction des morts, mais s’ils avaient lu ce qu’avait écrit al-Banna de sa
main dans son autobiographie, leurs allégations auraient été réduites à néant.
Le groupe fit de ses guides les porteurs
des flambeaux de l’illumination, et al-Banna écrivit de nombreux articles dans
la revue des Frères, demandant aux confréries soufies de se réformer, en
contradiction avec sa position ancienne : « Le Prophète serait-il
satisfait de ces bêtises inventées par les gens après lui : c’est ainsi
que cette comédie est venue de ces groupes paresseux, qui ne se réunissent pas
sur les places pour effrayer l’ennemi ou soutenir la religion, mais pour
déranger les habitants la nuit en criant et en jouant du tambour. Que les
adeptes des confréries se mettent donc d’accord pour faire ce pas judicieux,
qu’ils s’unissent et modifient leur cantique ou en composent un nouveau ».
Et al-Banna conseille à ces groupes de
s’éloigner des mouleds, affirmant : « Qu’ils fassent du sport, de la
natation et de l’équitation, manient l’épée et s’entraînent à l’art militaire,
car si ces armées et ces régiments nouveaux se regroupaient, ils nous seraient
utiles en temps d’épreuve ».
Selon Ikhwan Wiki (encyclopédie
électronique du groupe) : « Le rôle des Frères ne s’est pas limité à
appeler les confréries soufies à se réformer et s’unir pour réformer la nation,
car ils se sont également mis à combattre les hérésies répandues parmi elles,
comme la recherche de la bénédiction des morts, le fait de les invoquer, de porter
des amulettes etc. Et les Frères recoururent dans cette guerre à la
distribution parmi les imams des mosquées d’un sermon du vendredi parlant des
« corruptions des soufis ».
L’encyclopédie ajoute que le but du groupe
est de s’opposer aux coutumes nuisibles économiquement ou moralement, et d’en
éloigner les gens, comme les coutumes liées aux mariages, aux enterrements, aux
mouleds, ou aux diverses fêtes, tout en inscrivant un paragraphe dans le
règlement économique du groupe selon lequel le bureau de l’orientation
collectera une somme d’argent pour le mouled du Prophète.
Contradiction
Les Frères ne se sont pas mis d’accord sur
la question des mouleds, ou de la visite des tombes, certains défendant avec
les meilleurs arguments le soufisme et sa modération, d’autres possédant des
arguments contraires. C’est ainsi que les premiers se sont appuyés sur la
définition du groupe des Frères comme « une prédication salafie et
soufie » et un retour à la formation première du fondateur, comme l’ont
fait des dirigeants du groupe Essam al-Eryan ou Gamal Hechmat, qui assistaient
régulièrement à certains mouleds comme celui de Mursy Aboul Abbas à
Alexandrie ». Quant aux seconds, ils n’ont cessé de se plaindre de la
domination des soufis sur la société égyptienne, et ont interdit les mouleds et
la visite des mausolées : ce sont les adeptes du théoricien du groupe des
Frères, Sayyed Qutb, connus sous le nom de « courant qutbiste ».
Réfutation des mensonges du Groupe
Le Dr Ali Abdel Baqi Chahata,
ex-secrétaire général de l’Académie des recherches islamiques, a affirmé que le
véritable soufisme a eu ses heures de gloire dans l’histoire islamique, et que
les commerçants soufis ont joué un rôle dans la propagation de l’islam en
Afrique et en Asie de l’est, et qu’ils ont donné une bonne image de la
religion, loin de tout extrémisme.
Il a ajouté que le soufisme n’a jamais été
une source de terrorisme ou de violence, mais un moyen de répandre l’amour
entre les gens. Et de suggérer la diffusion de la pensée soufie dans les
prisons, pour corriger la conduite des prisonniers Frères et les autres, de
façon qu’ils reviennent à la conception modérée de la religion et
renoncent à la violence.
Concernant le projet de réforme proposé
par al-Banna, Chahata a affirmé que la réforme de la situation du soufisme
se fait par l’éducation et l’enseignement et l’élaboration d’un modèle de
discours religieux loin de tout extrémisme et qui fasse revenir les gens à la
modération, et que les Frères ne sont pas ce qu’ils prétendent être.