Coronavirus : critiqué sur sa gestion de la crise par Donald Trump, le patron de l'OMS reçoit le soutien des dirigeants africains
Les leaders politiques africains font bloc derrière l'Ethiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), après les critiques du président américain Donald Trump sur sa gestion de la crise sanitaire provoquée par le Covid-19. Le premier cas de la maladie a été déclaré il y a tout juste 100 jours.
"L'OMS s'est vraiment plantée", a lancé le 7 avril le président américain dans un tweet, avant de déplorer les prises de positions "très favorables à la Chine" du Dr Tedros. Une sortie accompagnée d'une menace de suspendre la contribution américaine à l'agence internationale.
"Je ne dis que pas que je vais le faire, mais nous allons examiner cette possibilité", a tout de même précisé le président américain. Une telle décision aurait de graves conséquences sur les activités de l'agence onusienne dont les Etats-Unis sont le premier contributeur, avec plus de 400 millions de dollars versés l'an dernier.
Soutien unanime
"Je suis surpris d'apprendre que le gouvernement américain mène campagne contre le leadership mondial de l'OMS", a réagi le président de la commisssion de l'Union africaine Moussa Faki Mahamat dans un tweet après les propos de Donald Trump. "L'Union africaine soutient totalement l'OMS et le Dr Tedros" , a-t-il poursuivi soulignant la nécessité de faire, aujourd'hui, front commun pour combattre le Covid-19 et que l'heure de rendre compte viendrait.
Réagissant au tweet de Moussa Faki sur le réseau social, le président sud-africain Cyril Ramaphosa et son homologue rwandais Paul Kagamé ont également apporté leur soutien au patron de l'OMS. Estimant que "la coopération et la solidarité internationale" étaient "l'arme la plus forte contre le Covid-19" dans un message écrit en français et en anglais, Cyril Ramaphosa, qui assure également la présidence en exercice de l'UA, a déclaré que "la direction exceptionnelle démontrée (...) au quotidien" par l'OMS et son directeur général était "inestimable".
Même son de cloche chez Paul Kagamé qui a noté au passage que son propos sonnait comme une évidence : "Le Dr Tedros, en tant que (directeur général) de l'OMS, a toute la confiance et le soutien de l’Afrique". Le patron de l'OMS a également reçu le soutien de la présidente de son pays, Sahle-Work Zewde, qui a plaidé pour qu'on laisse au Dr Tedros et à ses équipes de l'OMS "l'espace" d'agir pour continuer à remplir leurs missions au "moment où nous en avons le plus besoin".
Un message qui s'inscrit dans la même veine que celui délivré par le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres. Ce dernier a estimé que ce n'était "pas le moment" de critiquer une organisation"essentielle". Côté européen, on juge aussi que l'heure doit être à la mobilisation et à la coopération, avant de tirer les leçons qui doivent l'être.
Tedros Adhanom Ghebreyesus a appelé, pour sa part, à ne pas "politiser le virus". Sa conférence de presse du 8 avril a été l'occasion de révéler qu'il avait fait l'objet, en plus de propos et d'attaques racistes, de menaces de mort depuis ces trois derniers mois. Il a précisé qu'il se "foutait" des attaques individuelles mais qu'il ne pouvait tolérer qu'elle s'élargisse à toute une communauté (les Noirs) et à l'Afrique.
Pas exempt de critiques
Nombre d'observateurs conviennent que l'Organisation mondiale de la santé n'a pas toujours été exemplaire. J. Stephen Morrison, du cercle de réflexion Center for Strategic and International Studies, reconnaît qu'elle mérite quelques "critiques" pour avoir salué de manière "exagérée" la réaction chinoise et pour avoir tardé à déclaré l'urgence sanitaire mondiale.
Pour Elizabeth Economy, du think tank Council on Foreign Relations, "le fait que Taïwan ait mis en place une des meilleures réponses mondiales au Covid-19 et malgré tout n'ait pas accès aux briefings de l'OMS", "uniquement parce que Pékin ne veut pas", ne fait que renforcer les reproches américains.
Crises diplomatique
Taïwan, qui a été pointé du doigt par le directeur général de l'OMS alors qu'il s'exprimait sur les attaques racistes dont il avait été la cible, a exigé le 9 avril des excuses de la part du directeur de l'OMS.
"Il y a trois mois, l'attaque est venue de Taïwan", avait affirmé Tedros Adhanom Ghebreyesus lors de sa conférence de presse virtuelle. "Taiwan et(son) ministère des Affaires étrangères étaient au courant de cette campagne. Ils ne s'en sont pas dissociés. Au milieu de toutes ces insultes et calomnies, ils ont même commencé à me critiquer, mais je m'en moquais", a-t-il déclaré.
Les propos du patron de l'OMS ont suscité la colère de Taipei qui les a qualifiés d'accusations "sans fondement". "Notre pays n'a jamais incité la population à lancer des attaques personnelles contre lui ou à faire des remarques racistes", a déclaré à la presse Joanne Ou, la porte-parole du ministère taïwanais des Affaires étrangères.
Les relations entre l'OMS et Taïwan étaient tendues bien avant le début de la pandémie mais elles se sont détériorées au cours de ces trois derniers mois. L'île a pourtant été citée en exemple de la lutte contre l'épidémie. Elle n'a enregistré que 380 cas confirmés et cinq morts en dépit de sa proximité géographique avec la Chine, son premier partenaire commercial. A la suite de pressions de Pékin, ces dernières années,Taïwan a été exclue de l'OMS et de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI).
De vieilles tensions diplomatiques surgissent à l'aune de la pandémie liée au nouveau coronavirus et le Dr Tedros, ancien ministre éthiopien des Affaires étrangères, tente tant bien que mal de jouer la carte de l'apaisement. "Les Etats-Unis et la Chine doivent joindre leurs forces et combattre ce dangereux ennemi, a-t-il encore déclaré le 8 avril. Les autres membres du G20 doivent se rassembler pour le combattre. Le reste du monde doit se rassembler pour le combattre".