L’orientation vers l’est… L’expansionnisme iranien en Afghanistan et au Pakistan
Mohammad ad-Dabuli
Les interventions iraniennes ne se sont pas
limitées aux pays arabes, mais se sont étendues à tous les pays musulmans, et
en particulier au Pakistan et à l’Afghanistan. Quels sont donc les motifs de
ces interventions et les formes qu’elles prennent ?
1) Les motifs
a) Sécuritaires
Téhéran
cherche d’abord à contrer les ambitions de certaines tribus sunnites à l’est du
pays, comme les Baloutches, qui vivent dans la zone frontalière
irano-pakistano-afghane, et cherchent à établir un Etat indépendant, en se
plaignant de leur marginalisation en Iran. Ce dernier accuse ainsi son voisin
Islamabad de ne pas coopérer avec lui pour sécuriser les frontières et empêcher
les groupes baloutches armés d’attaquer l’Iran à partir du Pakistan.
Il
veut également affronter les organisations extrémistes en Afghanistan et au
Pakistan : ainsi, Téhéran a suivi une politique d’affrontement avec ces
organisations et ceci en soutenant l’Alliance du Nord, ce qui a permis
d’écarter les Talibans du pouvoir en 2001 avec l’aide des Américains, et
d’installer à leur place Hamed Karzai allié de l’Iran.
Cependant,
avec le danger croissant de Daech, l’Iran a craint la perpétration par l’organisation
d’attaques sur le territoire iranien ou la coopération avec « les soldats
de Dieu du Baloutchistan » ou « l’Armée de la justice baloutche ».
C’est pourquoi Téhéran s’est rapproché des Talibans pour former une alliance
avec eux face au danger daechien.
b) Economiques
Téhéran
souhaite renforcer ses échanges commerciaux avec les pays voisins, de façon à
contrer les effets des sanctions économiques. D’où le projet de gazoduc irano-pakistanais
pour l’exportation de gaz iranien vers le Pakistan.
Egalement,
l’Iran est le premier pays concerné par l’initiative chinoise de la
« ceinture et la route » (nouvelle route de la Soie), qui devrait lui
permettre de contourner les sanctions économiques qui lui sont imposées, de
développer son infrastructure, et d’imposer son hégémonie économique aux pays
arabes.
Enfin,
l’Iran craint le contrôle par les Afghans des eaux des fleuves Helmond et Hari
Roud qui prennent leur source en Afghanistan et traversent l’est de l’Iran, avec
les risques que cela représente pour son approvisionnement en eau.
2) Les formes de l’expansionnisme
a) Le soutien aux groupes extrémistes.
Il ne
fait pas de doute que le mouvement des Talibans jouit d’un soutien militaire et
politique de la part du Corps des gardiens de la révolution iranienne depuis
l’invasion américaine de l’Afghanistan et jusqu’aujourd’hui.
b) La politisation de la minorité chiite.
Les
chiites constituent une importante minorité au Pakistan et en Afghanistan,
estimée à 20% de la population dans ces deux pays, c’est pourquoi l’Iran a cherché
à garantir sa loyauté vis-à-vis du guide iranien en prétendant la soutenir face
à l’oppression sunnite dont elle serait victime.
Les
chiites possèdent dans ces deux pays nombre d’organisations politiques et
culturelles financées par l’Iran, et qui oeuvrent à renforcer la présence
iranienne, comme le Mouvement de l’application de la jurisprudence jaafarite,
fondé en 1979 au Pakistan, ou le Parti de l’unité islamique fondé en 1989 en
Afghanistan. Outre les nombreux centres culturels iraniens dans ces deux pays.
c) Le recrutement des réfugiés chiites.
L’Iran
s’appuie sur ses réfugiés chiites afghans et pakistanais, estimés à environ un
million de personnes, pour constituer des milices chiites comme la brigade afghane
Fatimiyyoun ou la brigade pakistanaise Zaynabiyyoun, envoyées en Syrie ou
ailleurs.
En
conclusion, on peut dire que Téhéran suit une politique à plusieurs volets pour
renforcer son influence dans les pays voisins. D’abord, il soutient par tous
les moyens possibles les minorités chiites de ces pays en arguant de leur
oppression. Ensuite, il soutient les organisations radicales sunnites malgré
les divergences doctrinales, pour avoir un prétexte pour intervenir dans les
affaires des pays voisins en faveur de ces minorités. A noter que l’organisation
al-Qaïda n’a exécuté aucune opération terroriste en Iran, et que ce dernier a
soutenu la décision des Talibans de permettre à cette organisation de rester en
Afghanistan. Enfin, Téhéran est soucieux de se présenter comme un acteur
régional incontournable, et cela en contribuant à nombre de projets
internationaux de façon à imposer son hégémonie économique aux pays voisins,
comme l’a prouvé son soutien au projet de la nouvelle route de la soie et du
développement du port iranien de Chabahar.