Un Français résidant au Vietnam : « La France, ce pays en voie d’enveloppement »
Michael Sibony, 33 ans, consultant
indépendant en investissement immobilier, est en mission longue durée à Hanoï,
la capitale du Vietnam :
« Vue d’Extrême-Orient, la situation européenne face
à la pandémie ferait presque sourire si elle n’était pas si tragique. Les pays
progressistes imposent à leur population de se confiner et, en France, on
enrobe cette privation de libertés d’un champ lexical martial et guerrier
anachronique. C’est en observant de loin mon pays se débattre qu’un constat
s’impose.
Au Vietnam, pays “en voie de développement”, en guerre il
y a cinquante ans, on ne compte à ce jour aucun mort [212 cas confirmés selon le décompte de l’université Johns-Hopkins, dont le suivi fait référence, NDLR]. Plus petit — sa surface équivaut à la moitié de celle
de la France — et plus peuplé avec 93 millions d’habitants — soit presque
40 % de plus qu’en France —, le Vietnam gère d’une tout autre manière la
non-prolifération du virus, sans appeler à la guerre ni créer de psychose dans
les chaumières. Simplement, en confinant les personnes contaminées, en les
testant et en identifiant les personnes risquant de l’être. Ces dernières sont
isolées quatorze jours dans des hôtels d’Etat ou des bases militaires. Pas
les autres. Quelques milliers de confinés au Vietnam, par rapport aux millions
en France. Quant au reste de la population, les personnes sont incitées à
rester chez elles, mais sans privation de libertés, sans ticket à imprimer pour
sortir, comme si elles étaient rationnées [un “confinement renforcé” est entré en vigueur ce mercredi 1er avril, pour quinze jours, afin de
freiner la propagation du virus].
C’est intégré : pour s’en sortir, il faut être
collectif et responsable. La population entière porte le masque. Alors qu’en
France en porter est considéré comme un acte presque malveillant ayant vocation
à alimenter les peurs, ne pas en porter au Vietnam est une imbécillité
coupable.
Bien sûr, l’Etat communiste et policier est présent. Avec
leurs casquettes soviétiques et leur mini pick-ups qui rappellent les petites
voitures Majorette des années 1980, ils quadrillent les quartiers en diffusant
des consignes préventives avec des haut-parleurs. Toute la population reçoit un
SMS quasi-quotidien contenant des indications ou des avis de recherche de
personnes à risque, là où, en France, on s’offusque de voir le gouvernement
envoyer un seul message de ce type. Ne nous trompons-nous pas de combat ?
La gestion de la crise n’a pas besoin d’être guerrière
(d’ailleurs, par respect pour les rescapés des guerres, la décence devrait nous
empêcher d’utiliser ce mot), mais simplement d’être organisée, d’être préparée.
Au Vietnam, les dépistages sont maîtrisés et utilisés en grand nombre. Ils sont
même exportés, alors qu’en France même les médecins ont du mal à en bénéficier.