Publié par CEMO Centre - Paris
ad a b
ad ad ad

Le salafisme et les racines de l’extrémisme… sacralisation des textes et négligence de la raison

jeudi 20/septembre/2018 - 02:38
La Reference
طباعة

Mohammad ad-Dabuli

La naissance de la pensée salafiste remonte au 7e siècle de l’Hégire et à l’imam Ahmad ibn Taymiyya – né à Harran en 661 de l’Hégire. Celui-ci considérait qu’il était indispensable de purifier l’islam des hérésies qui le souillaient du fait des confréries soufies qui s’appuyaient sur l’interprétation des textes religieux.

Or, à l’époque moderne, nombre de jurisconsultes ont réhabilité les conceptions d’Ibn Taymiyya en prétendant que la raison de la décadence de la nation musulmane était l’éloignement des musulmans de la charia.

Cependant, le renouveau de la conception salafiste aujourd’hui se caractérise par son lien avec les évolutions historiques et politiques des pays musulmans et la création d’Etats-nations fondés sur des idéologies non islamiques comme le libéralisme et le socialisme.

Face à cette situation, des mouvements djihadistes sont apparus dans les pays arabes et islamiques prétendant vouloir un retour à la charia, certains par la force, d’autres de façon pacifique.

1)    Signification de la conception salafiste

 

A l’époque moderne, la voie salafiste se réfère aux écrits du cheikh Mohammad ibn Abdel Wahhab,  qui vécut durant une période de crise pour la nation musulmane, avec la colonisation européenne, et la propagation des groupes soufis et de la pensée libérale occidentale dans le monde islamique. C’est en réaction à cela qu’il prôna le retour à une compréhension de l’islam basée uniquement sur les enseignements du Prophète, des compagnons et de leurs successeurs, et refusant toute doctrine ne s’appuyant pas essentiellement sur la voie des « pieux prédécesseurs », comme le soufisme, le kharijisme, ou le chiisme. Ainsi, la voie salafiste s’appuie sur le principe de la priorité donnée à la loi islamique sur la raison et le refus de l’interprétation rationnelle des versets coraniques et des hadiths.

 

2)    Facteurs de l’extrémisme dans la conception salafiste

 

En analysant le discours salafiste, on constate qu’il contient de fait de nombreux facteurs d’extrémisme et de fanatisme :

 

-        Le côté populiste de ce discours : qui vise à toucher les sentiments religieux des gens simples en simplifiant les problèmes.

-        La monopolisation de la religion : en prétendant être les seuls à détenir la vérité religieuse

-        La vision de l’autre : la pensée salafiste voit l’autre soit comme égaré, soit comme incroyant.  C’est ainsi que pour les salafistes, les soufis sont la source des hérésies conduisant au polythéisme et à l’incroyance, en particulier du fait de leurs visites des tombes et des mausolées, et des vœux et des sacrifices qu’ils y font.

-        Le djihad sur la voie de Dieu : la pensée salafiste a réhabilité cette idée pour défendre les choses sacrées de l’islam et affronter les gouvernants idolâtres.

 

3)    La diversité des écoles salafistes est-elle une imperfection dans la méthode ou une richesse idéologique ?

 

Bien que l’objectif commun des salafistes soit le retour à une compréhension de la religion conforme à celle des Compagnons et des pieux prédécesseurs, la réalité des faits indique que le courant soufi souffre de divisions internes et comprend divers groupes qui divergent dans les modalités d’application de leurs idées :

 

- Le groupe Ansar as-Sunna al-Mohammadiyya : fondé en 1926 par le cheikh Mohammad Hamed al-Fiqi au Caire : ce groupe considère qu’il est nécessaire de combattre les hérésies polythéistes dans la société musulmane, suite à la domination de la société par le soufisme. Au niveau politique, il considère le régime démocratique comme mécréant car il donne à l’homme le droit de légiférer, qui est pour eux le droit exclusif de Dieu.

- La Gamiyya Chariyya : fondée en 1912 par le cheikh Mahmoud as-Sabki, dans le but de combattre les hérésies et répandre les enseignements corrects de l’islam.

- La Daawa Salafiyya (à Alexandrie) : créée par Mohammad Ismaïl al-Muqaddim en tant que mouvement étudiant s’étant séparé des Frères dans les années soixante-dix. C’est l’une des organisations salafistes les plus répandues en Egypte. Elle refusait l’action politique en considérant la démocratie comme de l’incroyance, mais après la Révolution du 25 janvier, elle a changé d’opinion en fondant un parti politique pour participer aux élections parlementaires.

- Le salafisme madkhaliyya : né en Arabie saoudite après l’invasion du Koweït par l’Irak en 1991. Il considère qu’il n’est pas permis de se révolter contre le gouvernant ou de lui donner des conseils de façon publique. L’un de ses plus éminents représentants en Egypte est le cheikh Mohammad Saïd Raslan.

- Le salafisme militant : né au Caire, il considère qu’il faut déclarer le gouvernant incroyant. Il est l’un des groupes salafistes qui ont soutenu les Frères et ont participé au sit-in de Rabia al-Adawiya.

- Le salafisme Sururiyya : fondé en Arabie saoudite durant les dernières décennies, par le Syrien Mohammad ibn Surur Zayn al-Abidine. Il combine la pensée du groupe des Frères avec les idées salafistes.

- Le salafisme djihadiste : il s’agit de groupes salafistes qui ont autorisé la révolte contre le dirigeant incroyant  pour fonder l’Etat islamique. Les groupes les plus connus qui incarnent cette tendance sont al-Qaïda et Daech.

 

Finalement, en passant en revue ces divers groupes salafistes, il apparaît que cette diversité est plus un manque qu’une richesse, étant donné :

 

-        L’échec des écoles salafistes à traiter avec la question du gouvernant inique, la Madkhaliyya interdisant le simple fait de lui donner un conseil, le salafisme djihadiste autorisant quant à lui la révolte contre lui.

-        Les contradictions sur les questions essentielles : ainsi, la Daawa Salafiyya, par exemple, a interdit la participation aux élections, et malgré cela, elle a fondé des partis politiques ayant participé aux élections parlementaires.

-        Leur pénétration par les autres groupes islamistes : ainsi, les Frères musulmans ont réussi à pénétrer le courant du salafisme militant et à l’utiliser contre la Daawa Salafiyya. 

Par ailleurs, de nombreuses questions politiques et sociales n’ont pas été clairement traitées par les salafistes, comme celui de la citoyenneté ou de la participation de la femme à la vie politique.

 

"