Covid-19 : les camps de réfugiés en Syrie sont-ils menacés par l’épidémie ?
La Syrie comptait officiellement cinq cas mercredi. Aucun n'a été
enregistré dans les camps de réfugiés, mais cette hypothèse inquiète fortement
les organisations sur place. Si
les premiers cas officiels de Covid-19 ont été enregistrés en Syrie ces
derniers jours (cinq cas dénombrés par le ministère de la Santé mercredi), aucun n’a encore été recensé pour l’instant dans les
camps syriens, mais la possibilité d’une telle contamination inquiète
grandement. La menace est d’autant plus importante que toutes les conditions
d’une propagation rapide et incontrôlable sont réunies.
La
région la plus à risque est aujourd’hui celle d’Idlib, la dernière du pays
encore contrôlée par l’opposition. Plus de 950 000 personnes ont été
déplacées depuis la mi-décembre et la reprise de l’offensive du régime syrien et
de son allié russe, selon l’organisation Reach, qui travaille en coordination avec les ONG. Elles se sont
réfugiées dans le nord de la province et dans la région voisine d’Alep,
s’approchant le plus possible de la frontière turque, la zone étant moins
ciblée par les bombardements. Elles ont rejoint plusieurs centaines de milliers
d’autres Syriens, déplacés avant eux. La plupart vivent dans des camps de
tentes, formels ou non. Celui de la ville d’Atme, qui borde la Turquie,
accueille plus d’un million de personnes.
C’est
cette promiscuité qui augmente le risque de propagation du Covid-19. «Personne n’a pu échapper au dernier
coronavirus, pas même les pays occidentaux. Il va arriver à Idlib, c’est
inéluctable. Le problème est qu’il est impossible de mettre en place la
plus simple des protections, la distanciation sociale, dans des camps
surpeuplés», explique Ziad Alissa, médecin
anesthésiste-réanimateur et président de l’ONG Union des organisations de
secours et soins médicaux. «Comment voulez-vous que les gestes barrières
élémentaires, tels se laver les mains très régulièrement, soient mis en place ?
Les gens n’ont même pas accès à l’eau courante», ajoute un employé d’une ONG présente à Idlib.
«80
places en réanimation»
Autre
problème majeur : le manque d’hôpitaux ou même de dispensaires. Dans son
offensive pour reconquérir la province, les forces syriennes et russes les ont
délibérément visés et bombardés, appliquant une stratégie de terre brûlée pour
faire fuir la population, comme
l’a noté l’organisme de recherche International Crisis Group. Seuls trois hôpitaux fonctionnent aujourd’hui à
proximité de la frontière turque, et trois autres sont répartis dans la
province, dont l’un dans la ville d’Idlib. «Au total, il y a 80 places en réanimation
alors qu’il y a entre 3,5 millions et 4 millions d’habitants. Ces places sont
d’ailleurs déjà occupées par des malades. Cela ne pourra pas suffire si
l’épidémie progresse», explique
Ziad Alissa.
Pour l’heure, aucun cas d’infection n’a été détecté à Idlib.
Mais les tests viennent seulement de débuter. L’Organisation
mondiale pour la santé a annoncé sur Twitter avoir envoyé 300 kits mardi
et prévoit d’en acheminer 600 ce jeudi et 5 000 la semaine prochaine. Mais
il faudra du temps pour les réaliser. Seul un hôpital est équipé pour le faire
et son unique machine ne peut analyser que 10 à 20 échantillons par jour. Le
personnel soignant ne peut pas non plus se protéger, faute de masques
disponibles. «On cherche des stocks partout
mais le problème est que tous les pays en cherchent aussi, dit Ziad Alissa. Aucun
fabricant ne va accepter d’en donner pour des ONG qui travaillent en Syrie.»