Publié par CEMO Centre - Paris
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De la Syrie à la Norvège : les graines de notre survie

jeudi 26/mars/2020 - 12:04
La Reference
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Quelque 110 000 semences menacées par la guerre à Alep ont trouvé refuge sous la glace du Grand Nord, dans le « coffre-fort de l’apocalypse ». Ces variétés constituent un patrimoine inestimable, car elles sont adaptées aux conditions extrêmes que la terre pourrait bientôt connaître. Le destin de l’humanité se joue peut-être dans ces petits sachets par des chercheurs héroïques.

Maymouna Ali Sabra (photo ci-dessus) rajuste sa combinaison de ski bleu marine. Vaine tentative pour chasser la sensation de froid. Dehors, la chaleur automnale est écrasante, mais, ici, le thermomètre affiche – 18 °C en permanence. La petite chambre froide du Centre international de recherche agricole dans les zones arides (Icarda), installé dans la plaine de la Bekaa, au Liban, doit protéger ses trésors. Aussi minuscules soient-ils. Dans le cas présent, quelques dizaines de millimètres tout au plus, de simples graines, en réalité. D’une valeur pourtant inestimable. Du blé, des pois chiches, des lentilles, des haricots, des trèfles, des petits pois… que l’Icarda tient à conserver à tout prix. Une fois déjà, le centre de recherche a failli les perdre.

La jeune assistante saisit un à un, de ses doigts engourdis, les sachets d’aluminium figurant sur sa liste. D’ici à quelques jours, les semences contenues dans les pochons gelés s’envoleront à nouveau pour le grand froid, le vrai. Celui qui, l’hiver venu, traverse le Svalbard tout entier, cet archipel norvégien planté plus haut que le cercle polaire.

Ces graines en ont avalé, des kilomètres. Il y a cinq ans, c’est de l’autre côté de la frontière, à 10 kilomètres de là, qu’elles étaient conservées. Au-delà des montagnes, en Syrie. Durant trois décennies, chercheurs et agronomes ont amassé, dans la banque de graines d’Alep, des semences venues de toute la planète, et plus particulièrement de cette région du monde que l’on appelle le Croissant fertile, aux confins de la Syrie, d’Israël, de la Palestine, de la Jordanie, du Liban, de la Turquie, de l’Irak et de l’Iran. Au total, 157 000 espèces de céréales, de légumineuses, de plantes fourragères et des centaines de milliers d’échantillons ont été collectés. Une biodiversité d’une richesse exceptionnelle. Des semences séculaires de plantes ayant réussi à s’adapter à des siècles d’évolution climatique, certaines ayant développé la capacité de pousser dans des sols très secs, d’autres dans des terres salines, d’autres encore, disparues à l’état naturel, constituent le dernier spécimen de leur espèce. Plus que leur valeur patrimoniale, c’est l’utilité de ces graines pour l’avenir qui les rend si précieuses. Ce sont elles qui, demain, nourriront la planète. Lorsque, changement climatique oblige, celles qui sont aujourd’hui cultivées par les agriculteurs ne réussiront plus à pousser.


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