La Syrie atteinte par le coronavirus? Risque d'hécatombe dans un pays en guerre
Officiellement pour l’instant, aucun cas de
coronavirus n’a été signalé en Syrie. Mais cette version officielle est mise en
doute par l'opposition. Cinq pays riverains de la Syrie -Irak, Turquie, Liban,
Jordanie et Israël- ont tous enregistré des cas, et parfois des décès. La
semaine dernière, les autorités syriennes ont annoncé une série de mesures pour
prévenir la propagation du virus : fermeture des écoles, des universités
et des instituts techniques à partir du 14 mars jusqu’au 2 avril,
arrêt de toutes les activités scientifiques, culturelles, sociales et
sportives, interdiction des chichas dans les cafés et les restaurants,
réduction du nombre de fonctionnaires à 40% des effectifs avec
des horaires seront limités.
Des combattants sans doute infectés, une pause relative
Alors quel impact a
le coronavirus sur un pays en guerre comme la Syrie ? C’est la question
posée à Francis Balanche, géographe spécialiste de la Syrie et professeur à
l’université de Lyon.
"Le coronavirus n’a pas eu d’impact sur les
combats en Syrie parce que le conflit est en pause depuis l’accord de
cessez-le-feu du 5 mars entre la Russie et la Turquie à Idleb, avant que
le coronavirus se répande parmi les combattants. En revanche, il y a sans doute
des troupes infectées, notamment celles venues d’Iran, du Pakistan. Des
combattants des milices chiites sont atteints. Ils ont pu contaminer une partie
de l’armée syrienne. Mais il n’y a aucune communication à ce sujet. Le
gouvernement syrien a arrêté la conscription. Il ne recrute plus de nouveaux
soldats à cause du coronavirus. Il y a une certaine inquiétude dans l’armée.
Les combats
devraient marquer une pause car une armée régulière ne peut se battre
lorsqu’elle est infectée, mais ce n’est pas forcément le cas des djihadistes
qui vivent sur une autre planète imaginant qu’Allah va les protéger et en profitent
pour harceler l’armée syrienne dans la province d’Idleb".
Quels risques de propagation ?
Le danger d’une
propagation du virus est préoccupant surtout en zone de combats comme à Idleb,
avec près d’un million de personnes déplacées depuis décembre et des
infrastructures médicales ravagées après neuf ans de guerre. Pour Francis Balanche, le risque est là.
"Du
côté du gouvernement syrien, il n’y a pas de cas déclaré. La Syrie est tout de
même un pays assez confiné du fait de la guerre. Les Syriens ne font pas de
tourisme à l’étranger. La population est repliée sur des cellules closes, cela
limite la propagation. Mais la population est affaiblie par la guerre, il y a
des concentrations de populations déplacées dans le Nord, dans la province
d’Idleb. Des ONG ont noté des symptômes qui pourraient s’apparenter au
coronavirus. S’il se répandait dans ces populations, ce serait une véritable
hécatombe."
Dans la zone kurde,
la frontière avec l’Irak est fermée depuis trois semaines. "Mais évidemment c’est difficile de demander le
confinement à des gens qui doivent faire la file pour le pain, le gaz… Il faut
que le pays reste fermé, cloisonné, mais j’en doute".