Syrie : Salwa, la petite fille qui riait sous les bombes
Pour protéger sa fillette de 3 ans de la peur et des séquelles de la guerre, un père de famille lui a appris à s'esclaffer au son des explosions.
C'est une version syrienne de La vie est belle, le film tragi-comique de Roberto Benigni. Une histoire d'amour, de rires et de larmes entre un père et sa fille de 3 ans, née sous les bombes. Parce qu'il savait qu'il ne pouvait l'extirper de l'enfer d'Idlib, la dernière enclave tenue par les rebelles, dans le nord de la Syrie, Abdallah al-Mohammad, 32 ans, a très tôt appris à sa petite Salwa à ne plus avoir peur. L'intimité de leur quotidien, vécu comme un jeu, a fait le tour de la planète après la diffusion, à la mi-février, d'une vidéo sur les réseaux sociaux : on y voit la fillette, debout sur les genoux de son père, rire aux éclats en réponse aux bruits sourds de l'explosion d'une bombe, toute proche. Un rire contagieux, comme un pied de nez aux avions de Bachar Al-Assad et de son allié russe qui bourdonnent au-dessus de leurs têtes. Rapidement rattrapée par le buzz médiatique, la petite famille a été sollicitée par des dizaines de journalistes, avant de pouvoir traverser la frontière turque, sur invitation du régime d'Ankara, le 25 février. D'autres n'ont pas eu cette chance. Le régime syrien bombarde sans relâche depuis plusieurs mois la province d'Idlib, où vivent plus de 3 millions d'habitants. Alors que la Turquie maintient sa frontière close, ces derniers n'ont d'autre choix que de se retrancher dans des villes surpeuplées ou dans des camps de réfugiés. L'histoire de la famille Mohammad, reflète une tragédie bien plus grande. Celle de la guerre civile syrienne, qui vient tout juste d'entrer dans sa dixième année.
Dans le regard d'Abdallah, rempli d'amour pour sa petite fille, on décèle aussi une part de tristesse. Sur les réseaux sociaux, il fait figure de héros, applaudi pour avoir trouvé le moyen de préserver l'innocence de son enfant et tenté de lui éviter des séquelles psychologiques. "Très tôt, j'ai voulu lui cacher le drame qui se jouait autour de nous", dit-il.