Le voyage en canot: entre les profits réalisés par les commerçants turcs et le fardeau supporté par la Grèce
La crise des réfugiés syriens aux frontières grecques a des implications à
la fois sur la situation humanitaire de ces réfugiés, en particulier les
vieillards, les femmes et les enfants, et sur celle de la Grèce, qui connaît
depuis quelques années une crise économique.
C’est
ainsi que la professeure de sciences politiques à l’Université de Columbia
Sarah Deardorff Miller, indique dans son livre « les réponses politiques et
humanitaires à la crise des réfugiés syriens », la responsabilité qui incombe
au gouvernement turc vis-à-vis des réfugiés syriens, au lieu de les utiliser
politiquement.
Elle
indique que le voyage en canot entre les deux pays oblige chaque passager à
payer environ 1200 dollars à des trafiquants, tandis que des centaines meurent
en route – 800 en 2015.
Elle
ajoute que les îles grecques proches des frontières turques comme Lesbos ou
Chios sont la première escale des réfugiés sur le chemin de l’Europe.
Et
l’auteur explique que les commerces turcs aux frontières sont les premiers à
profiter de la crise de ces réfugiés, en vendant les produits dont ont besoin
les migrants, et en particulier des vêtements de flottaison (life jackets), et
des conserves faciles à préparer.
Et
elle indique qu’il y a des points connus de rassemblement des migrants aux
frontières turques, gérés par des sociétés turco-syriennes, qui exploitent la
situation de crise de ces migrants syriens, mais aussi afghans et arabes
cherchant à prendre place dans les canots de ces sociétés pour partir vers
l’Europe.
L’auteur
indique aussi que la moitié des migrants sont des jeunes non mariés, qui
choisiront probablement des Européennes pour épouses, ce qui aura pour
conséquence de modifier les caractères démographiques des sociétés européennes.
Le chantage d’Erdogan exercé contre l’Union européenne en utilisant la
carte des réfugiés ne s’est pas limité aux adultes, mais a concerné aussi les
enfants se trouvant à la frontière turco-grecque.
Selon
SOS Villages d’enfants, organisation humanitaire internationale qui s’occupe de
l’éducation des enfants n’ayant personne pour les entretenir, 13000 enfants
sont arrivés dans les îles grecques où ils se trouvent dans une situation
difficile.
Les
rapports de l’organisation indiquent que ces enfants souffrent même après leur
arrivée en Europe, du fait des conditions difficiles dans les centres
d’accueil, qui provoquent chez eux des troubles psychologiques.
Notons
que plus du quart des réfugiés ayant traversé la Mer Méditerranée pour se
rendre en Europe en 2019 étaient des enfants, et que nombre d’entre eux sont
partis sans leurs proches, et après des voyages périlleux, ils continuent
d’affronter des dangers importants après la traversée des frontières, selon le
Haut-Commissariat de l’Onu pour les réfugiés.
Par
ailleurs, la directrice du Bureau du Haut-Commissariat pour l’Europe, Pascale
Moreau, a affirmé : « Ces enfants ont peut-être fui les conflits ou perdu les
membres de leurs familles, ou quitté leurs foyers pendant des mois ou des
années, et ont subi des mauvais traitements durant leurs voyages, mais leurs
souffrances ne s’arrêtent aux frontières ».
Selon
le premier ministre grec, des unités de l’armée sont déployées, pour sécuriser
les frontières avec la Turquie, et son pays ne se pliera pas aux menaces
turques et n’acceptera aucun réfugié entrant de façon illégale.
Notons
que la Grèce a interdit à quelque 10000 réfugiés d’entrer sur son territoire
par les frontières avec la Turquie, qualifiant la décision d’Ankara d’ «
agression organisée ».
Dans le cadre du chantage turc à l’Union européenne en ouvrant les frontières
gréco-turques face à des dizaines de milliers de réfugiés, le ministre turc de
l’Intérieur Sulayman Soylu a annoncé que son pays allait déployer mille
policiers sur les rives du fleuve Meric, frontalier avec la Grèce, pour
empêcher le retour forcé des demandeurs d’asile.
Le
gouvernement grec affirme que 24000 personnes au moins ont été empêchées de
traverser les frontières turco-grecques depuis samedi dernier.
De
son côté, l’Union européenne a élaboré un plan en six points, et prévoyant
l’envoi par le Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO) de 160 experts
des pays européens dans la zone de crise, et l’activation par l’Agence
européenne de protection des frontières (Frontex) d’un nouveau programme visant
à accélérer le renvoi des personnes interdites de séjour en Grèce.
Des
observateurs considèrent ainsi que l’accord sur les réfugiés entre le régime
turc et l’Union européenne est en état de mort clinique, après que la Turquie a
ouvert les frontières face à des dizaines de milliers de réfugiés.
Ils
ajoutent que les pays européens ont adopté une attitude ferme face au chantage
turc, et que si ce chantage devait durer, ils pourraient suspendre l’accord sur
les réfugiés, voire menacer de l’annuler et imposer des sanctions au régime
turc.
Ces
observateurs estiment que le jeu d’Erdogan avec la carte des réfugiés est une
erreur de sa part, étant donné les autres initiatives turques récentes, comme
la prospection de gaz en Méditerranée orientale, les cellules turques en France
ou en Allemagne, ou l’intervention en Libye et la signature de l’accord sur les
frontières maritimes avec le gouvernement de Fayez al-Sarraj.