Le plan Haftar-Macron pour la Libye
L’homme fort de l’Est libyen propose à la France de placer sous tutelle la manne pétrolière pour qu’elle échappe aux milices… et à l’armée turque d’Erdogan.
Jugé va-t-en-guerre lorsqu’il
lançait son offensive sur Tripoli en avril 2019, le maréchal Haftar n’est plus
celui qu’on accuse d’attiser les braises. Après la conférence à Berlin qui
ambitionnait le 19 janvier de «mettre fin aux ingérences en Libye», la
provocation est venue du président turc. Il a fallu moins d’une semaine à Recep Erdogan pour envoyer ses
troupes et leurs supplétifs syriens à Tripoli. Reçu à Paris le 9 mars par
le chef de l’Etat, Haftar s’est inquiété face à cet arsenal et la
transformation de l’aéroport de Mitiga en base militaire.
« L’internationalisation du conflit inquiète»,
glisse une source proche du dossier. Soutenu par les Emirats arabes unis et la
Russie, le maréchal a été taxé de contribuer à cette internationalisation. S’il
bénéficie de l’aide de différents pays dont les Etats-Unis et la France pour
lutter contre le terrorisme, aucun de ses alliés n’a osé envoyer de forces de
façon massive et ostentatoire. La Turquie se révèle ainsi le soutien principal
des groupes proches des Frères musulmans qui se sont imposés par la force à
Tripoli depuis 2013 et ont trouvé avec le Premier ministre de transition Fayez
al-Sarraj un allié de circonstance.
A l’Elysée, Haftar a longuement
évoqué le rôle de la Banque centrale dirigée par Sadiq al-Kabir, un proche des
Frères musulmans. Soupçonné d’utiliser les fonds publics pour financer cette
guerre civile, ce dernier offrirait par la même occasion un bol d’oxygène au
régime turc en difficulté sur le plan économique. Le président de la société
pétrolière nationale, la Noc, Mustafa Sanalla, dans une interview au «Monde» a
reconnu avoir «réclamé à plusieurs reprises […] l’augmentation de la
transparence de la Banque centrale». C’est pour y mettre fin qu’Haftar dit
avoir fait fermer le robinet du pétrole. Au président Macron, il déclare être
prêt à le rouvrir à condition que les ressources soient placées sur un compte
bloqué, sous la tutelle d’une commission d’arbitrage.
A Tripoli, la réception d’Haftar
par un chef d’Etat est critiquée. A peine sorti de l’Elysée, le Libyen a reçu
un appel d’Angela Merkel et s’est envolé pour Berlin. De son côté, Paris a
lancé les invitations au camp adverse et a convié à l’Elysée son ministre de
l’Intérieur, Fathi Bashagha. En choisissant un ministre plutôt que le chef du
gouvernement, Macron envoie un signal à Tripoli. Après la démission de l’envoyé
spécial de l’Onu, Ghassan Salamé, le gouvernement placé par cette institution
en 2015 pourrait être sur la sellette et se voir privé de la «légitimité» qu’il
brandissait pour justifier des actions qui n’allaient pas dans le sens de la
mission confiée il y a cinq ans par l’Onu.