Le Liberland, ce micro-État européen qui inquiète la France
« Vivre et laisser vivre », la devise de la République du Liberland, un micro-État créé en 2015 dans les Balkans, sur les rives du Danube entre la Serbie et la Croatie, se heurte à la « libre circulation » régulée au sein de l'espace Schengen. Cette nation autoproclamée, constituée par un entrepreneur tchèque, Vit Jedlicka, revendique une « société où les honnêtes citoyens peuvent prospérer sans lois, sans règlements ni impôts d'État inefficaces et contraignants ». Quelques kilomètres de terres que nul pays frontalier ne réclame et régis par les doctrines libertariennes.
Selon nos informations, les autorités françaises se méfient de cette micro-nation, qui n'est pas reconnue par la communauté internationale et dont on parle très peu dans la presse généraliste. Les policiers du service de sécurité intérieure (SSI), de la direction de la coopération internationale et de son antenne basée à l'ambassade de France à Belgrade (Serbie) ont alerté la police aux frontières (PAF) du commerce de passeports diplomatiques. À en croire les enquêteurs, avec 5 000 dollars (4 300 euros) payables en bitcoins, n'importe qui peut acquérir le précieux sésame.
5 000 dollars pour un passeport diplomatique
Nos limiers ont été sensibilisés par leurs homologues serbes. Depuis plusieurs semaines, ces derniers ont constaté à l'aéroport de la capitale une recrudescence de ressortissants indiens en possession de passeports diplomatiques de la « République libre du Liberland ». Le cas le plus récent date du 6 février, quand un titulaire de ce sauf-conduit entendait embarquer pour Londres.
« Ce micro-État est une porte d'entrée non contrôlée vers la France. Une fois qu'un individu a acheté son passeport, qu'on le laisse entrer dans l'espace Schengen, tout peut arriver ! » s'inquiète une source à la police aux frontières basée à Roissy-Charles-de-Gaulle, la plateforme aéroportuaire qui compte le plus d'agents du renseignement, tous services confondus.
La France refuse l'entrée sur son territoire
De fait, une note du groupe d'analyse et de suivi des affaires d'immigration (Gasai) de la PAF, datée du 3 mars, oblige les fonctionnaires aux frontières à refuser l'entrée en France aux « ressortissants » du Liberland. Il considère les documents administratifs en leur possession comme « fantaisistes et par définition non reconnus par la France ».
La note a listé les pays à risque par lesquels ceux qui ont acquis ces passeports sont susceptibles de passer. Les policiers sont censés regarder à deux fois les arrivées en provenance d'Israël, du Liban, de la Turquie et, plus largement, du Proche et du Moyen-Orient. De même que les vols en partance pour Londres font également l'objet d'une attention particulière. Selon le document du Gasai, le Liberland a reçu un demi-million de demandes de citoyenneté, dont 100 000 du Moyen-Orient et 18 000 des États-Unis.
Le Liberland n'a pas encore fait connaître sa position face à la fermeture des frontières à ses ressortissants munis d'un passeport diplomatique.