Coronavirus : entre confiance et confinement, comment l’Afrique fait barrage à l’épidémie
Au Congo-Brazzaville, tous les deux jours, une cinquantaine de personnes
formées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sont chargées de vérifier
l’état de santé des personnes confinées à leur domicile pendant les quatorze
jours de possible incubation du coronavirus. Aux non-résidents tout juste atterris dans le pays, il
est demandé de rester à leur hôtel, où les contrôles doivent être réalisés.
Depuis début février, le Congo vit au rythme du coronavirus.
Des mesures de confinement ont été mises en
place pour les voyageurs venant de Chine. Pour pallier le manque
d’infrastructures, l’ambassade de Chine a proposé la mise à disposition à
Pointe-Noire et à Brazzaville de lieux adaptés pour les quarantaines de ses
ressortissants. Puis, au fil des semaines, la mesure a été étendue aux
ressortissants d’Italie, d’Iran, de Corée du Sud, suivant la propagation de
l’épidémie dans le monde.
Le ministère congolais de la santé a de son
côté installé 100 places de confinement dans l’hôtel du complexe sportif
de la Concorde, à quelques kilomètres de Brazzaville. Un espace aujourd’hui saturé,
où la moitié des personnes placées sous surveillance pendant quatorze jours
sont des Congolais, tandis que deux d’entre elles seraient des ressortissants
français. Une Franco-Libanaise présentant des symptômes suspects se trouve
quant à elle dans l’unité de confinement du CHU de Brazzaville, selon la
cellule d’urgence du ministère de la santé. Une structure répliquée au sein de
l’hôpital de Pointe-Noire, la capitale économique du pays.
Si, sur le papier, ce plan de filtrage est
bien pensé, reste à en observer la mise en œuvre sur le moyen terme, alors que
le nombre de personnes confinées va augmenter. Comme le reste de l’Afrique, le
Congo s’applique à éviter au maximum de laisser entrer le virus sur son
territoire, sans stigmatiser ni causer de psychose… Alors que le continent
reste pour l’heure le moins touché de la planète, avec une centaine de malades
répertoriés mardi 10 mars, d’autres pays que le Congo imposent des
quatorzaines aux entrants. Surtout s’ils sont Chinois ou Européens.
« Nous
voulons éviter toute stigmatisation »
La République démocratique du Congo (RDC) rejoint ainsi son voisin sur la prévention,
même si elle opte pour une plus grande souplesse. Alors que le premier cas de
malade du coronavirus a été annoncé dans le pays mardi, le ministre de la
santé, Eteni Longondo, a demandé que les voyageurs en provenance de Chine,
France, Italie, Irak et Iran soient placés en quarantaine pendant quatorze
jours à leur atterrissage. Concrètement, les passagers présentant des symptômes
sont mis en confinement dans une structure sanitaire, prévue initialement pour
Ebola, proche de l’aéroport de Ndjili, à Kinshasa. Pour l’instant, seules six
places sont disponibles, mais « on devrait pouvoir atteindre
20 places », selon le docteur Aruna Abedi, coordinateur de la
riposte au coronavirus.
Les voyageurs des cinq pays à risque qui ne
présentent pas de symptômes de la maladie doivent, eux, remplir un formulaire
avec leurs coordonnées, et les autorités leur demandent de ne pas quitter leur
maison ou leur chambre d’hôtel pendant deux semaines. « On essaie
de les appeler tous les deux ou trois jours pour vérifier comment ils vont,
développe Aruna Abedi. Bien sûr, on ne peut pas faire la police. La
quarantaine se base sur la confiance, on explique aux gens qu’ils doivent le
faire pour protéger les autres. » « On n’a pas les mécanismes, reconnaît
le médecin. On est encore en train de travailler sur une stratégie, car
le volume de voyageurs est très important et on ne peut pas placer
500 000 personnes en quarantaine du jour au lendemain. » Un
hôtel devrait être identifié dans les prochains jours pour étendre les
capacités de confinement.
Le Rwanda, lui, garde la tête froide face aux risques de
propagation du coronavirus. Des quarantaines systématiques ne sont pas imposées
aux voyageurs en provenance de pays à risque, comme le font certains Etats voisins
tels que le Burundi ou l’Ouganda. Mais si aucun cas de contamination n’a pour l’heure été
recensé sur ce territoire, les autorités ont néanmoins pris dimanche des
mesures de prévention supplémentaires. Tous les visiteurs sont désormais
contrôlés et soumis à un questionnaire de santé à leur arrivée. Ceux présentant
des symptômes du Covid-19 sont considérés comme des cas suspects et conduits en
isolement à l’hôpital le plus proche pour des procédures d’enquête et de tests
de laboratoire plus poussés. Même si les tests sont négatifs, les cas suspects
continuent de faire l’objet d’un suivi actif. Le ministère de la santé indique
en outre que tout voyageur asymptomatique venant d’un pays à risque sera
enregistré pour un suivi quotidien continu pendant quatorze jours.
Au Cameroun, pas encore de mesures de confinement pour les passagers
en provenance de France et d’Italie. « Nous voulons éviter toute
stigmatisation », explique Clavère Nken, chef de la cellule
communication du ministère de la santé publique. Il y a par contre des
contrôles de température aux aéroports et aux ports.
Royal
Air Maroc suspend ses liaisons avec l’Italie
Si l’Afrique centrale est la plus avancée
dans la mise en place des quarantaines, le reste du continent avance dans la
même direction.
Ainsi, l’Afrique du Sud n’a pas encore pris de mesures de confinement à
l’encontre des passagers européens – juste des contrôles de fièvre à l’arrivée
à l’aéroport de Johannesburg –, mais dans les avions en provenance de zones à
risques, des responsables militaires de la santé montent à bord et prennent la température
des passagers avec un thermomètre électronique, chacun restant à sa place. Il
n’y a pas, pour l’heure, de site de quarantaine public identifié. Une solution
avec des lodges touristiques a bien été envisagée, avant d’être abandonnée. Le
rapatriement des étudiants coincés à Wuhan depuis janvier n’a par ailleurs
toujours pas eu lieu, faute de structure d’accueil adaptée. Mais tout cela
pourrait changer très vite si les cas venaient à se multiplient : sur les
dix personnes ayant été exposées au premier patient (qui revenait de vacances
en Italie), toutes semblent désormais positives au coronavirus.
Au Sahel, le Tchad est le premier pays à mettre en place une unité
spéciale de quinze lits au sein de son hôpital provincial de Farcha, à
N’Djamena. En cas de besoin de confinement, s’y ajoutera le lycée français
Montaigne, qui est fermé pour quatorze jours. Au Burkina Faso, qui compte une importante communauté française, aucune
mesure spéciale pour les arrivants de France et d’Italie n’est à ce jour en
vigueur. La ministre de la santé préfère « l’autoconfinement » à
domicile pour les personnes en provenance de zones à risque, avec un contrôle
de la température et une surveillance de l’apparition de symptômes
respiratoires.
C’est aussi la confiance qui est
privilégiée en Côte
d’Ivoire, où il est demandé aux
personnes venant de Chine un auto-isolement de quatorze jours ; sans
suppression d’aucun vol. Plus radicale, la Royal Air Maroc a annoncé, elle, la
suspension, à partir de mardi et jusqu’à nouvel ordre, de tous ses vols à
destination et en provenance d’Italie.