Idlib : accusations d’attaques chimiques et échec diplomatique
La situation
sécuritaire dans la ville syrienne d'Idlib devient de plus en plus tendue,
notamment avec la propagation sans précédent d'assassinats et d'attentats à la
bombe entre factions armées de l'opposition dans le cadre de la perpétuelle
concurrence menée par différentes parties pour le contrôle et le déploiement
dans la zone, notamment par les soi-disant Hayat
Tahrir al-Cham (ancien Jabhat Al Nasr). A cela s’ajoute le kidnapping des partisans
du régime syrien et des promoteurs de l'idée de réconciliation à Idlib. Cette
situation a été reconnue par Abdel Moneim Zinedine, le coordinateur général des
factions syriennes, dans un tweet qu’il a publié sur son compte
Les campagnes
d'arrestation de factions armées affectent les partisans du régime syrien
En outre, le
déploiement des éléments armés dans la province (entre 80 et 100 mille hommes,
selon une source militaire, rapportée par l’agence russe Spoutnik) inquiète le
régime syrien qui cherche à étendre son influence sur la province, où il
contrôle 2 000 km2, dont un tiers d'une superficie de 6 000 km2, selon la
source précédente.
Malgré les
attaques de Daesh, la Russie confirme que la Syrie contrôle 96% de son
territoire.
Dans cette
atmosphère polluée, des parties en conflit à Idlib ont échangé des accusations
de complot en vue de mener une attaque chimique sur la province d’Idlib. La
Russie accuse notamment Hayat Tahrir al-Cham et d'autres factions armées de
préparer des attaques au produit chimique et la fomentation d'un nouveau crime
au régime syrien pour enfin le tenir pour responsable de l'attaque si elle se
produit. Ce qui va donner des faux prétextes aux pays occidentaux soutenant
Hayat Tahrir al-Cham et d'autres factions armées syriennes, de cibler les
centres du régime syrien. En retour, des pages terroristes sur les réseaux
sociaux, notamment celle d’Abdel-Moneim Zain, ont averti contre une attaque
chimique imminente du régime syrien et se son allié russe!
Échec
diplomatique
Les présidents
des trois pays concernés par la situation
syrienne (Iran, Turquie et Russie) ne sont pas parvenus, lors du sommet
de Téhéran qui a lieu le vendredi 7 septembre 2018, à trouver un point de vue
commun sur le sort de la ville d’Idlib, qui est le dernier bastion des factions
terroristes.
Leur divergence
s’est manifestée dans leurs déclarations faites au cours du sommet, où le
président iranien Hassan Rohani et son homologue russe Vladimir
Poutine ont soutenu la nécessité, pour le régime syrien, de reprendre le
contrôle de la province de Idlib, et les deux présidents ont souligné que la
lutte contre le terrorisme à Idlib fait partie intégrante de la restauration de
la paix et d'établir la stabilité en Syrie.
Le président
turc Recep Tayyip Erdoğan, qui soutient les factions armées
antigouvernementales, a pour sa part averti contre ce qu’il a appelé
« bain de sang » suite à l’attaque prévue contre la province. Tout
comme il a appelé un cessez-le-feu immédiat dans ladite province frontalière
turque.
Dans la
déclaration finale du sommet tripartie, les trois présidents ont seulement
assuré l’importance de faire face à la situation à Idlib avec un « esprit de
coopération » sans plus de détails clairs, et de reporter la résolution de la
question par le biais de nouvelles discussions lors de la prochaine réunion qui
sera bientôt tenue à Moscou.
Une catastrophe
humanitaire
Pendant ce
temps, les factions terroristes basées à Idlib ont ciblé aux roquettes Grad le
mercredi 5 septembre 2018 des positions militaires de l'armée syrienne dans les
campagnes de Lattaquié et Hama. Immédiatement la Russie a répondu par d’autres
attaques le même jour, par le biais d’un chasseur aérien qui a bombardé les
bastions de Hayat Tahrir al-Cham dans la province d’Idlib.
Le porte-parole
du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a annoncé une
déclaration publiée par l’agence de presse russe que: la Russie continuera à «
tuer les terroristes » à Idlib « pour restaurer la paix », ajoutant que « ceci
est une question liée à notre sécurité ».
Le site web du
journal La Russie d'Aujourd'hui, citant une source militaire de haut
rang, a indiqué que ces attaques ont eu lieu en réponse aux provocations des
terroristes en utilisant des drones, en niant que ladite attaque représente un
véritable début de l'opération militaire à Idlib.
Ces
informations d’éventuelles attaques ont préoccupé des agences de secours
humanitaires. Ce qui a fait que l'Organisation des Nations unies a averti
contre l’éventualité d’une attaque sur Idlib, en la décrivant comme une attaque
sans précédent depuis le début de la crise syrienne en 2011.
Selon
l’Observatoire syrien des droits de l’Homme, 180 familles ont été contraintes
de quitter leur foyer depuis mercredi soir, se dirigeant vers l’Extrême-Orient.
Désaccord
américano-russe
Les Etats-Unis
et la Russie ne se sont pas entendus diplomatiquement par le passé sur la
situation en Syrie, et c’est ce qui a amené le vice-ministre russe des Affaires
étrangères Sergueï Riabkov a dire que Moscou ne faisait pas confiance aux
Etats-Unis et la Grande-Bretagne sur la situation en Syrie. Les Etats-Unis ont
pour leur part mis en garde le régime syrien contre l'utilisation des armes
chimiques, affirmant que le Conseil de sécurité des Nations Unies mettra fin à
la crise en Syrie lors de sa réunion du vendredi 7 septembre 2018.
Et le Conseil
de sécurité des Nations Unies, à l'invitation de Washington, a discuté de la
situation à Idlib, mais il n’y est pas sorti avec des résolutions radicales
pour mettre fin à la crise, tandis indiqué l’envoyé de l'ONU en Syrie, a appelé
à identifier les couloirs humanitaires pour permettre aux civils de quitter
Idlib, étant donné que la solution militaire y serait la solution la plus
probable. Et l'envoyé de la Syrie à l'ONU, Bashar Jaafari, a annoncé que le
gouvernement de Damas était prêt à fournir des couloirs sécurisés aux civils.
Il est à noter
que le ton du discours américain sur Idlib, a changé car il n’est plus menaçant
ni avertissant d’un éventuel lancement de l'opération militaire sur la
province. Cela se manifeste dans les déclarations du secrétaire d'Etat
américain Mike Pompeo dans laquelle il a dit: « Les Etats-Unis considèrent la
lutte contre les terroristes dans le nord de la Syrie comme essentielle, et
partagent les craintes de la Russie à propos de leur présence à Idlib ».
Les déclarations
de Pompeo contredisent les avertissements du président américain Donald Trump
au début de la semaine dernière, lorsqu'il a qualifié l’attaque sur Idlib de
« téméraire », et la déclaration de la porte-parole de la Maison Blanche,
Sarah Sanders, qui a dit que « si le président Bachar al-Assad a choisi à
nouveau d'utiliser des armes chimiques, les États-Unis et leurs alliés
réagiront rapidement et de manière appropriée ».
Lavrov: La
Syrie a tué tous les terroristes à Idlib
Situation
turque
Pendant ce
temps, le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré lors du sommet de
Téhéran la possibilité de transférer les factions armées en dehors de la
province d’Idlib, et les reloger dans des endroits où ils ne pourront plus
attaquer la base militaire russe !
Cela indique un
changement relatif de la position turque à l'égard d'Idlib, vers un soutien
partiel à la solution militaire, notamment avec l'inclusion de Hayat Tahrir al
Cham sur la liste turque des organisations terroristes.
L'offre turque vient principalement en raison
de la situation confuse dans laquelle se trouve Ankara qui est sous la pression
de ses alliés parmi les organisations extrémistes, comme Hayat Tahrir al Cham
dirigé par Abou Mohammed Al-Julani, qui a des relations étroites avec le
service de renseignement turc, selon un rapport détaillé par le site Al
Mayadeen. Relations qui ont été rejetées en bloc par al-Julani, comme il a précédemment refusé
de se soumettre aux diktats d'Ankara sur les efforts turcs afin de faire
pression sur Hayat Tahrir al Cham pour non seulement résoudre le probleme, mais
aussi pour intégrer ses éléments dans le soi-disant « Front national pour la
libération » dirigé par Fadlallah Haji. Cette dernière comprend un groupe de
factions armées, soutenu par la Turquie, comme les Brigades de Nurd ad-Din
Zinky, l’Armée de Libération de la Syrie, etc.
Pour sa part,
l'Allemagne a, par le biais de son ministre des Affaires étrangères Haikou Mas,
proposé à la Turquie de lui présenter des aides humanitaires en cas de l'augmentation
du nombre de réfugiés syriens après l’attaque prévue à Idlib. Cela pourrait
amener la Turquie à fermer les yeux sur le régime syrien au cas où les
éventuelles frappes touchent les bastions terroristes à Idlib. Surtout que
Washington donnerait son feu vert à cette frappe si les armes chimiques ne
seront pas utilisées.
La Turquie
pourrait accepter l'offre allemande vu la crise économique qui frappe la
Turquie et son besoin d'une telle assistance. Cela pourrait améliorer également
ses relations avec l'Allemagne et améliorer la reprise de son économie.
Ces
préoccupations turques reflètent l’élargissement et la mise en place au cours
des derniers jours plusieurs camps au point de passage d’Atma, frontalier avec
la Syrie, surtout avec la croissance du nombre de réfugiés qui a atteint 3
millions et un demi-million de réfugiés syriens. L’année dernière, elle a érigé
un mur de séparation le long de sa frontière avec la Syrie.
Nouvel
enregistrement : Al-Julani refuse de négocier avec la Syrie et prévient
les factions
La Turquie
manœuvre
Pour sa part,
le conseiller au Centre Al-Ahram pour les études politiques et stratégiques, le
Dr Hassan Abou Taleb, a déclaré à la « Référence » que si la Turquie parvenait
à retarder toute action militaire dans la province d’Idlib, cela serait
considéré comme une grande victoire diplomatique pour Ankara. En outre, ce
retard ferait de la Turquie un partenaire clé dans l'autodétermination
syrienne, selon Abu Talib.
Abu Talib a
indiqué que la Déclaration finale du sommet de Téhéran n'a pas précisé le sort
d’Idlib, et qu'une solution militaire est encore en suspens, en raison de
l'opposition turque pour raisons selon lesquelles les frappent affecteront sa
sécurité nationale. En plus du fait que la Turquie est fort liée à plusieurs
groupes armés en Syrie, y compris les groupes terroristes connus.