Publié par CEMO Centre - Paris
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TÉMOIGNAGE. Karim, naufragé syrien en Grèce

mercredi 04/mars/2020 - 12:06
La Reference
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La Grèce durcit le ton. Elle a décidé dimanche 1er mars de suspendre pendant un mois toute nouvelle demande d’asile pour les migrants entrant illégalement sur son territoire. Au moins un millier de demandeurs d’asile en provenance de Turquie ont gagné les îles de la mer Égée depuis dimanche matin. Non sans drame : un enfant est mort après le naufrage d’une embarcation de migrants lundi 2 mars au large de l’île de Lesbos. Par ailleurs, un réfugié syrien qui tentait de gagner la Grèce a été mortellement blessé lundi à la frontière avec la Turquie.

Dans l’île de Samos, 8 000 demandeurs d’asile vivent dans un camp aux portes de la ville de Vathy. C’est là, parmi des centaines d’autres abris de fortunes, que Karim a construit sa cahute : une bâche sur des barres de fer et quelques couvertures au sol.

Karim est issue d’une famille palestinienne réfugiée à Nayrab, en Syrie. Il a fui Alep il y a six mois, laissant sa femme et ses trois enfants, pour tenter de gagner l’Europe dans l’espoir d’y réunir sa famille après sa régularisation. Mais le voilà coincé dans un des  « Hotspots » , ces zones où les réfugiés arrivés en Grèce par la mer sont parqués, croupissant dans des camps de misère en attendant la fin d’une procédure d’asile interminable.

Nostalgie et amertume

 Jamais je n’aurais quitté la Syrie, mais la guerre et la misère m’ont mis sur les routes , explique Karim. Le soir venu, il cuisine chichement.  Je prépare la Mamouniyeh, une mélasse de blé au sucre et à la cannelle. Un délice ! , annonce-t-il, interrompu par un appel téléphonique de son frère resté à Nayrab. Le régime vient de reprendre la ville. De la maison familiale et de leur usine,  il n’y a plus rien ; la rue est un champ de ruines. Je ne m’avance pas plus, c’est probablement miné . Karim fait la moue. Il espérait que les activités reprendraient et qu’il allait pouvoir compter sur une aide familiale dans son périple.  J’ai déjà dépensé plus de 6 000 € et regardez où j’en suis. 

Île-prison

 Je suis français aussi », lance-t-il soudainement d’un air espiègle avant de sortir un passeport de sa poche. Une contrefaçon très ressemblante.  Demain, je prendrai le bateau pour aller à Athènes. Puis j’irai en Macédoine, et ainsi de suite jusqu’en Allemagne. Ça va marcher, n’est-ce pas ?  demande-t-il, les yeux pleins d’espoirs. Beaucoup essaient, peu réussissent.

Au matin, au port, une masse de réfugiés louchent sur le ferry qui relie l’île au continent, un navire d’où ils sont systématiquement refoulés. Karim tente sa chance, brandissant son passeport français. Refus des policiers grecs.

Dépité, Karim est retourné dans sa prison sans murs.

 


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