Les cellules dormantes en Italie…un terrorisme en gestation qui attend son heure Chaïma Hafzy
Chaïma Hafzy L'Italie a souvent une notation restreinte
sur l'indice des attaques terroristes. En effet, de telles attaques sont peu
nombreuses sur son sol. Cela ne semble pas être le cas lorsqu’il est question
des cellules dormantes. Si depuis l'émergence de Daech, il y
a quatre ans, l’Italie n'a connu aucun incident terroriste majeur, des
cellules terroristes sont cependant régulièrement arrêtées sur le territoire
italien, et des personnes suspectées de planifier des attentats sont
expulsées. L’année dernière, l’Italie a connu 14
attaques terroristes, ce qui la classe au quatrième rang des pays les plus
touchés par le fléau terroriste, après la Grande-Bretagne, la France et
l’Espagne, selon le rapport d’Europol (l'Office européen de police). Selon les médias occidentaux, les appareils
de sécurté italiens sont très efficaces dans la prévention des attaques
terroristes. Cette efficacité est due, selon les experts, à la grande
expérience de la police italienne, aux prises avec la Mafia depuis de
nombreuses années. L'Italie impénétrable.. le terrorisme incapable d’infiltrer le pays de la mafia Si l’Italie jouit d’un certain calme en
matière d'attentats, elle souffre, en revanche, d’une augmentation du nombre
de militants affiliés aux groupes terroristes, et dont l’identité n’est
souvent pas révélée. Cela est clair dans le nombre d'étrangers expulsés
d’Italie car soupçonnés d'appartenir à des organisations terroristes, ou de
citoyens italiens arrêtés pour terrorisme. On dit qu’Anis Ameri (l’instigateur de
l’attaque de Berlin) était emprisonné en Sicile, et que le tunisien, Mohamed
Lahouaiej Bouhlel, responsable de l'attaque de Nice, avait séjourné quelque
temps à Ventimiglia, ville italienne frontalière de la France, selon la
police italienne. En mai 2018, les autorités italiennes ont
annoncé l'arrestation de 11 syriens et trois marocains, soupçonnés de fournir
des combattants et un soutien financier de 2,3 millions de dollars, au front
Al-Nosra lié à Al-Qaïda en Syrie. Le procureur italien en charge de la lutte
anti-terroriste, Federico Cafiero, a déclaré selon l’agence Reuters : « qu’un
lien existait entre ces personnes accusées de financer le terrorisme et
l'immigration clandestine, mais il n’y a en revanche aucune preuve que les
passeurs ont introduit des combattants étrangers en Italie ». Selon Cafiero, des fonds ont été transférés
via un réseau informel appelé Hawala. Ce réseau est connu dans le
monde arabe, et échappe au contrôle habituel sur les réseaux de financement
terroriste. Deux mois auparavant, les autorités
italiennes avaient annoncé l'arrestation d'Abdel Rahman Mouhyiddine Moustafa,
italien d'origine égyptienne, âgé de 59 ans, et président de l'Association
culturelle islamique Al-Da’wa à Foggia dans le sud-est de l'Italie.
L’homme a été accusé de « promouvoir le terrorisme », « d’inciter
les enfants à tuer des non-musulmans » et à « pratiquer des
activités liées au terrorisme ». Selon le communiqué des autorités
italiennes, Moustafa « suivait de près les nouvelles de Daech sur les
réseaux sociaux » et « s’est montré plus d'une fois élogieux sur sa
page Facebook à l’égard du chef de l'organisation, Abou Bakr Al-Baghdadi
». Il a essayé en outre de convaincre les enfants que la seule façon d’aller
au Paradis était de mourir sur le champ de bataille. Arrestation d'une cellule de Daech
dirigée par un réfugié En mars 2018 la police italienne a arrêté
cinq tunisiens dans le cadre de ce qu'elle a décrit comme étant « une
campagne visant des personnes soupçonnées de soutien au terrorisme »,
ceci à un moment où le nombre d’étrangers expulsés par l'Italie était en
augmentation. L'Italie s’empresse d'expulser toute
personne qui a des tendances radicales. La loi a été amendée en 2017 afin de
permettre de telles expulsions. Une centaine de terroristes présumés ont été
expulsés. Le soutien dont pourraient bénéficier les
terroristes en Italie ne se limite pas au seul recrutement des combattants.
Le président du tribunal sud a annoncé fin 2017, que plus de 24 millions de
comprimés de Tramadol ont été vendus par Daech pour financer
ses attaques à travers le monde. Selon le communiqué de la police, ces
comprimés ont été saisis dans des conteneurs à Gioia Tauro, le plus grand
port d’Italie. Un seul comprimé se vend à 2 euros (2,33 $), ce qui fait que
la valeur totale des comprimés était d’environ 50 millions d'euros. Le procureur, Federico Cafiero, a
déclaré : « Daech gère directement le trafic des produits
stupéfiants pour financer ses activités terroristes un peu partout dans le
monde ». Et d’ajouter « Une partie de ces fonds illégaux était destinée
à financer des groupes extrémistes en Libye, en Syrie et en Irak » . Le tribunal n'a pas indiqué comment cette
cargaison illégale a été découverte, et quelle était sa destination finale,
mais une cargaison similaire avait été découverte l'an dernier en Grèce, et
une autre, plus grande, à Gênes en Italie en mai 2018. L'Italie en ligne de mire après les
menaces de Daech contre Ronaldo L’Italie a connu il y a quelques années le
terrorisme local avec la Mafia, ce qui a donné aux forces de sécurité une
vaste expérience en matière de lutte contre le banditisme, mais le problème
de certains terroristes aujourd’hui est qu’ils ne font pas partie d’une
cellule organisée, selon le journal britannique The Guardian. Interpol avait annoncé fin janvier une liste
de 50 personnes, toutes tunisiennes, soupçonnées d'appartenir à Daech
en Italie. Selon The Guardian, ces suspects sont bel et bien des
combattants du groupe Etat Islamique. Ils sont arrivés en Sicile à bord d’un
bateau entre juillet et octobre 2017, et pourraient tenter d'atteindre
d'autres pays européens. Les autorités italiennes lancent
continuellement des campagnes en mer pour empêcher l'accostage de migrants
sur les côtes siciliennes, devenues le lieu de débarquement privilégié des
migrants tunisiens qui tentent de rejoindre l'Europe. Selon un rapport du Conseil européen des
relations extérieures, 4 500 tunisiens sont arrivés sur les côtes italiennes
l'année dernière, soit quatre fois plus qu'en 2016. Selon le procureur général d’Agrigento, les
enquêteurs n’excluent pas la présence parmi ces migrants, qui se rendent en
Sicile, de militants de Daech. « Nous ne savons pas ce qu'ils
faisaient avant de venir ici, et nous ne savons pas où ils étaient avant leur
arrivée en Sicile », a déclaré le procureur Salvatore Villa, au quotdien The
Guardian. En juillet, Interpol avait également publié
une liste de 173 personnes soupçonnées d’appartenance à Daech en
Italie, qui auraient reçu un entraînement pour commettre des
attentats-suicides en Europe. Selon les chiffres du ministère italien de
l'Intérieur, les appareils de lutte antiterroriste ont arrêté et interpellé
160.593 personnes entre mars 2016 et mars 2017. 34 000 personnes ont
également été interpellées dans les aéroports, et environ 550 terroristes
présumés ont été arrêtés. 38 ont été condamnés pour terrorisme. Plus de 500
sites internet ont été fermés, et près d’un demi-million surveillés. L'Italie deviendra-t-elle la
prochaine cible de Daech en Europe ? L’Italie accueille de nombreux réfugiés qui
arrivent par la mer, et il s’agit là d’un autre défi sécuritaire. L’Italie
est souvent utilisée comme zone de transit afin de permettre aux terroristes
d’accéder à d’autres pays européens. « La principale différence entre
l'Italie et les autres pays européens est que l’Italie ne compte pas un grand
nombre de migrants de la deuxième génération qui ont basculé dans la
radicalisation, ou qui pourraient devenir extrémistes », affirme
Francesca Galle, professeur adjoint à l'Université de Maastricht et experte
en politiques de lutte contre le terrorisme. Et de conclure : « Contrairement
à la France, à la Belgique ou au Royaume Uni, la police et les appareils
anti-terroristes italiens n’ont pas affaire à un grand nombre de personnes
susceptibles de basculer dans l’extrémisme ». |
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