Syrie: escalade après de lourdes pertes turques, Erdogan et Poutine se parlent
Les présidents russe Vladimir Poutine et turc Recep Tayyip Erdogan ont exprimé vendredi leur "inquiétude" au sujet de l'escalade brutale dans le nord-ouest de la Syrie, après la mort de plus de 30 soldats turcs dans des frappes du régime de Damas, protégé de Moscou.
Après avoir essuyé ses plus lourdes pertes en une seule attaque depuis le début de son intervention en Syrie en 2016, Ankara a réclamé le soutien de la communauté internationale, brandissant la menace d'un nouvel afflux de migrants vers l'Europe.
Jeudi, au moins 33 militaires sont morts dans des frappes aériennes attribuées par Ankara au régime syrien dans la région d'Idleb (nord-ouest de la Syrie). La Turquie a riposté, tuant au moins 16 combattants syriens, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Cette poussée de fièvre risque d'aggraver la situation humanitaire déjà critique à Idleb, où plusieurs centaines de civils ont été tués et près d'un million de personnes déplacées ces derniers mois par l'offensive qu'y mène depuis décembre le régime de Damas.
Face à cette situation volatile, les Nations unies ont appelé à un cessez-le-feu immédiat et l'Union européenne s'est inquiétée d'un "risque de confrontation militaire internationale majeure" en Syrie, envisageant "toutes les mesures" pour se protéger.
Signe de la gravité de la situation, MM. Erdogan et Poutine ont eu un entretien téléphonique dès le lendemain matin de l'attaque contre les forces turques.
Selon le Kremlin, les deux dirigeants ont exprimé leur "sérieuse inquiétude" de la situation à Idleb et décidé d'étudier la "possibilité de tenir prochainement un sommet".
- Canot vers la Grèce -
L'Otan, dont fait partie Ankara, a tenu vendredi une réunion d'urgence à la demande de la Turquie, en vertu de l'article 4 du traité qui peut être invoqué par un allié estimant son intégrité territoriale, son indépendance politique ou sa sécurité menacée.
A Ankara, la présidence turque a en outre exhorté la communauté internationale à mettre en place une zone d'exclusion aérienne à Idleb pour clouer au sol les avions du régime syrien et de Moscou qui pilonnent la région depuis plusieurs mois.
Dans une apparente tentative de faire pression sur l'Union européenne pour obtenir davantage de soutien, Ankara a annoncé qu'il ne stopperait plus les migrants qui cherchent à se rendre en Europe depuis la Turquie, réveillant le spectre de la grave crise migratoire qui a secoué le continent européen en 2015.
A Istanbul, des autocars étaient mis à disposition des migrants souhaitant se rendre à la frontière grecque, selon les médias turcs.
Des images prises par des drones montraient des dizaines de migrants coupant à travers champs avec des sacs sur le dos ou la tête, ou encore d'autres personnes se frayant un chemin à travers un bois, en direction de la frontière grecque.
Une vidéo publiée par l'agence de presse DHA montrait un canot gonflable rempli de migrants quittant le rivage dans l'ouest de la Turquie à destination de l'île grecque de Lesbos, en mer Egée.
- Patrouilles doublées -
Pour faire face à cette situation, Athènes a annoncé le doublement de ses patrouilles à la frontière turque. Et L'UE a appelé Ankara à respecter ses engagements de lutte contre les passages clandestins vers l'Europe.
La Turquie accueille sur son sol quelque quatre millions de migrants et réfugiés, syriens pour la plupart, et redoute un nouvel afflux depuis Idleb, où plus de 900.000 personnes se sont réfugiées près de la frontière turque depuis trois mois, selon l'ONU.