Algérie: pour son anniversaire, la contestation montre sa résilience
Un an après le début de la contestation antirégime, la mobilisation des Algériens reste forte, signe de vitalité durable d'un "Hirak" (mouvement) dont le pouvoir algérien misait sur le dépérissement.
Au vu de l'affluence vendredi à Alger et en province, pour sa 53e manifestation hebdomadaire, "une chose est sûre: le "Hirak" va s'inscrire dans la durée", prédit Mohamed Hennad, ancien professeur de sciences politiques à l'Université d'Alger.
Et samedi, plusieurs milliers de personnes se sont encore rassemblées au coeur d'Alger en ce jour anniversaire du déclenchement du mouvement de protestation populaire inédit qui ébranle l'Algérie depuis un an, selon un journaliste de l'AFP.
"Nous sommes venus vous dégager!", "le peuple veut faire chuter le régime", ont scandé les manifestants à l'adresse des dirigeants algériens.
"Le pouvoir comptait sur l'essoufflement du mouvement. Mais la très forte mobilisation de vendredi a montré que c'est un pari perdu", estime M. Hennad.
- "Fêter votre départ" -
Une foule impressionnante, comparable à celle des immenses défilés ayant jalonné un an de contestation, a envahi vendredi les rues de la capitale et de nombreuses villes du pays pour marquer 12 mois ininterrompus d'une "Révolution du sourire" non violente.
Les cortèges ont martelé plusieurs mots d'ordre: "Nous ne sommes pas venus faire la fête, nous sommes venus vous dégager!" ou encore, samedi à Alger, pour le 1er anniversaire, "la fête sera le jour de votre départ".
"Avec le personnel politique actuel, la stabilité politique ne sera pas au rendez-vous. Pour le "Hirak", le "système" est toujours en place et doit partir", observe M. Hennad.
Face aux interrogations sur la capacité du mouvement à trouver un nouveau souffle à l'orée de son "An II", les "hirakistes" ont affiché une détermination intacte à se débarrasser d'un "système" politique qui dirige l'Algérie depuis son indépendance en 1962.
"Le "Hirak" a une logique interne qui n'est imposée par aucune force extérieure, aucune institution, groupe ou personnalité politiques", analyse Rachid Tlemçani, enseignant-chercheur en sciences politiques à l'Université d'Alger.
- "Le "Hirak" va durer" -
Le vendredi 22 février 2019, de nombreux Algériens, qu'on disait alors résignés et dépolitisés, ont envahi les rues du pays, pour s'opposer à la volonté annoncée du président Abdelaziz Bouteflika --quasi-invisible et muet depuis un AVC en 2013 -- de briguer un 5e mandat.
Après six semaines de manifestations de plus en plus massives, le haut commandement de l'armée, pilier du régime, exigera et obtiendra le 2 avril la démission de M. Bouteflika, au pouvoir depuis 20 ans.
Mais le "Hirak" continue de réclamer une véritable "rupture" avec le régime en place après l'élection le 12 décembre du président Abdelmadjid Tebboune, un ancien fidèle de M. Bouteflika, lors d'un scrutin marqué par une abstention record.
Depuis son arrivée au pouvoir, M. Tebboune --qui a qualifié le "Hirak" de "béni"-- s'efforce de s'attirer les bonnes grâces de la contestation.
Dans un entretien jeudi avec la presse nationale, il a assuré que "les choses commencent à s'apaiser" dans la rue, et promis de mettre en oeuvre "l'ensemble" des revendications du "Hirak".
En défilant en masse, les protestataires algériens lui ont opposé un cinglant démenti. Et lui ont fait savoir qu'ils ne croyaient guère à ses promesses de "changement radical".