Emmanuel Macron veut former les imams en France : pourquoi cela ressemble à un casse-tête
Pour Emmanuel Macron, la lutte contre les influences étrangères sur le territoire passe par la fin des imams détachés, comme il l’a rappelé dans son discours à Mulhouse ce mardi 18 février 2020.
En 2016, ils étaient 301 en France, envoyés et payés par la Turquie (151, une grande partie de fonctionnaires) l’Algérie (120) et le Maroc (30). D’après un rapport du Sénat de 2016, ils ne maîtrisent souvent ni le français ni le contexte socioculturel français.
Les formations ? Un échec jusqu’ici
Le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a annoncé ce mercredi matin que ces postes devraient disparaître d’ici à 2024, car ceux qui sont là et qui arrivent ont un titre de séjour de trois ans.
En parallèle, nous allons former des imams en France pour qu’ils puissent maîtriser la langue et les lois de la République, a ajouté le Président.
Or, celle-ci n’est toujours pas au point. À Paris, Strasbourg, Rennes ou ailleurs, ces formations sont un échec, assure Olivier Bobineau, sociologue des religions (1).
L’erreur consiste à oublier que l’imam n’est pas un ministre du culte comme les autres, il exerce cette fonction dans la mesure où il est reconnu et élu pour des raisons morales : bienveillance, intégrité, piété, exemplarité.
S’approprier les codes de la société française
En outre, les imams ont souvent une autre activité professionnelle. Si des universitaires leur demandent de venir écouter le soir des cours magistraux ou faire des travaux dirigés, ça ne fonctionne pas dans la durée, continue Olivier Bobineau.
Il préconise une solution « d’accompagnement dans le quotidien des imams. L’enjeu, c’est de leur faciliter l’appropriation des codes de la société française avec de la culture générale, de l’histoire, des sciences humaines.
Pour le délégué général du centre français du culte musulman (CFCM), Abdallah Zekri, le système des détachés a un avantage non négligeable : les imams, qui restent plusieurs années, viennent par le biais de conventions bilatérales, sont connus, et leurs discours sont suivis par les autorités françaises.
Ils n’ont jamais posé de problème : pas un n’est fiché S [pour radicalisation], n’a commis un acte terroriste ou n’a fait des discours extrémistes, ajoute-t-il.
Quel financement ?
Selon un rapport du Sénat en 2016, le risque de radicalisation lié aux prêches […] est largement fictif car ces prêches sont réalisés par les imams détachés dont le discours est encadré par leurs États d’origine, et la radicalisation s’opère essentiellement hors des lieux de culte.
Dernier problème : il faudra trouver un moyen de financer les imams, une fois que les 301 imams détachés seront partis. Pour Abdallah Zekri, si l’État veut avoir des imams français républicains, il faut qu’il mette la main à la poche.