La Chine plus rouge que jamais
Alice Ekman,
responsable de la Chine et de l’Asie au European Union Institute for Security
Studies, explore dans son livre « Rouge vif, l’idéal communiste
chinois » le formidable renouveau communiste à l’œuvre sous Xi Jinping.
L’hypothèse
que la Chine ne serait plus communiste « est tellement répandue
qu’elle n’est plus questionnée. L’hypothèse inverse, qui considérerait que la
Chine pourrait être, ne serait-ce qu’encore un peu, communiste, est souvent
balayée d’un revers de main », écrit Alice Ekman dans Rouge
vif, l’idéal communiste chinois. Or c’est tout le contraire.
La
chercheuse, qui est responsable de la Chine au European Union Institute for
Security Studies (EUISS), s’est donné pour mission d’explorer le formidable renouveau
communiste à l’œuvre sous Xi Jinping, le numéro un chinois : le parti est
omniprésent dans les institutions du pays, mais aussi dans toute entreprise
publique et un nombre croissant d’entreprises privées. Les artistes doivent
promouvoir le « rêve chinois », tandis que les écoles et les
universités sont sous contrôle idéologique étroit. De grands-messes, comme les
70 ans de la Répulique populaire de Chine en 2019, mettent en scène
une geste nationale grandiose centrée sur le parti.
Alice Ekman,
qui a fait sa thèse sur la professionnalisation de la diplomatie chinoise de
Deng Xiaoping à Hu Jintao, en sait quelque chose : sous Xi Jinping, arrivé
à la tête du parti en 2012, c’est un mouvement inverse qui s’est
enclenché. L’idéologie est revenue au pas de charge, et l’heure est au
recadrage politique, par le biais de campagnes de discipline qui puisent dans
la boîte à outils du maoïsme – en remettant au goût du jour les autocritiques.
M. Xi, note-t-elle, s’efforce aussi de « rénover le marxisme,
en intégrant pleinement les outils de son époque, et notamment en utilisant les
nouvelles technologies dans son application concrète – un “marxisme
2.0” ».
« Ferveur quasi religieuse »
On
aurait tort, poursuit-elle, de voir dans le jargon « rouge » que M.
Xi déploie à l’envi dans ses discours et ses écrits une gesticulation à des
fins strictement politiques : le dirigeant chinois, qui est fils d’un
révolutionnaire, est animé d’une « ferveur quasi religieuse »,
et « ne cesse d’utiliser des mots à consonance spirituelle face
aux cadres du parti », pour les motiver dans leur « mission
sacrée ».
A
l’heure où la gouvernance chinoise semble être mise à l’épreuve par l’épidémie
du coronavirus, la lecture de Rouge vif est riche
d’enseignements sur les ressorts d’un régime qui, loin de se remettre en cause,
glorifie ses sacrifices au nom de la sauvegarde de la santé mondiale et attaque
tous ses détracteurs, à l’intérieur comme à l’extérieur.