Les stratégies britannique et américaine dans la lutte contre les Shebabs en Somalie
Mohammed Al-Dabouli
Une image normale
Mouvement des
Jeunes
Moudjahidines
Récemment, la région de la Corne
de l’Afrique a connu une recrudescence des
activités opérationnelles du Mouvement
des Shebabs Al-Moudjahidine (Les Jeunes
moudjahidines) que ce soit à l'intérieur-même
de la Somalie ou
dans les pays voisins tels que le
Kenya, dont les frontières sont constamment menacées par les Shebabs.
Les
activités opérationnelles du Mouvement des
Shebabs Moudjahidines
se sont pratiquement beaucoup élargies
et
ne se limitent plus aux opérations
terroristes
à travers les voitures piégées
ni aux embuscades contre les militaires
mais
elles se sont étendues aux services de renseignements
et de sécurité et à
l'implantation de ses agents au sein
de ces services.
Au milieu de ces développements sur
le terrain dans la région de la Corne
de l'Afrique, on a constaté l'émergence
des efforts britanniques dans la lutte contre l'expansion du Mouvement
des Shebabs, et ce en présentant un
soutien technique et logistique aux
pays de la région et à la Mission de l'Union africaine en Somalie (AMISOM). En
plus
des efforts britanniques, on a
remarqué que les États-Unis sont
assez déterminés à lutter contre le
Mouvement, à travers l'intensification de leurs frappes aériennes contre les
bastions
des Shebabs en Somalie. En effet, les
deux stratégies américaine et britannique ont eu diverses répercussions.
Dans
les points suivants nous tenterons de les
expliquer :
Attaques intenses et renseignements
actifs
Au cours des deux dernières semaines,
la Somalie a connu une escalade sans précédent
de la part
des Shebabs qui ont lancé de nombreuses
attaques sanglantes à proximité de la capitale Mogadiscio et des villes du Sud,
en particulier dans
la région du Shabelle inférieur.
A cet égard, à l'aube du vendredi
31 août 2018, la ville d'Afgooye
dans le Shabelle inférieur et près de
Mogadiscio, a été attaquée par
les Shebabs,
faisant un bilan de 3 soldats tués et
de six autres blessés. Au même
moment, le quartier de
Rotband au sud de Mogadiscio, a connu
de violentes explosions contre un grand nombre de sites gouvernementaux et
civils. Avant
ces explosions,
le 29 août 2018, une attaque des
Shebabs à la frontière entre le Kenya et la Somalie avait fait 5 morts parmi
les soldats des Forces de défense kényanes.
Le porte-parole militaire
des Shebabs Abdoul Aziz Abou Mous'ab a
déclaré le 2 septembre 2018 que le Mouvement
avait ciblé les locaux administratifs
du district d'Hawlwaday dans le centre de Mogadiscio la capitale somalienne, à
l'aide d'une voiture piégée dont l'explosion a tué 6 personnes et blessé 15
autres. L'attentat a également
détruit une école coranique près des bureaux
administratifs, et le porte-parole a précisé que le Mouvement
ciblait une réunion tenue
par la Direction.
Au cours de la dernière période,
on a beaucoup parlé de
la capacité des Shebabs à
infiltrer les services de sécurité, que
ce soit en Somalie ou
dans les pays voisins, après la
révélation par les services de sécurité
kényans
de l'arrestation de Carruta Jithaaja
commandant et ancien officier de l'Unité des services généraux (GSU) qui
tentait d'infiltrer la frontière entre le Kenya et la Somalie et de contacter
les Shebabs.
Dans le même contexte, le directeur
adjoint des renseignements somaliens, le général Abdullah Abdullah, a
dévoilé que le Mouvement
infiltre
les services de renseignements et de
sécurité en général, ce qui
explique son succès à lancer des
attaques successives contre plusieurs
cibles gouvernementales en Somalie,
comme
c'était le cas récemment
avec les locaux administratifs
d'Hawlwadag où le Mouvement a ciblé une réunion dont il était au courant
de la date de tenue.
Inquiétude
kényane et intervention britannique prudente
A vrai dire, l'activité remarquable
du Mouvement des Shebabs a suscité récemment
les préoccupations des forces régionales telles que le Kenya, dont le président,
Uhuru Kenyatta, s’est engagé à
anéantir le Mouvement en représailles à
sa
dernière attaque contre les troupes
kényanes.
Nairobi a également déployé davantage de
troupes dans la province frontalière de Mandera, afin d'éviter de nouvelles
attaques.
C'est pourquoi, le Kenya cherche
actuellement à attirer plus de soutien
international en faveur de ses actions contre
les Shebabs, notamment
le soutien britannique.
Le
ministre britannique des Forces armées Mark
Lancaster a promis que son pays travaillerait à former les forces
kényanes
opérant au sein de la Mission de l'Union
Africaine en Somalie. Cette promesse
britannique a été
faite lors de la visite de la Première
ministre
Theresa May
au Kenya. Le soutien britannique
au Kenya vient du fait que ce dernier menace
de retirer ses troupes de Somalie parce que
la communauté internationale
a réduit son soutien à la Mission de l'Union
Africaine en Somalie (AMISOM). A cet égard, l'Union européenne a diminué le
soutien accordé
à l'AMISOM de 20%, après la décision en 2017
de réduire progressivement les troupes de la Mission et de transférer les
responsabilités de sécurité aux forces de sécurité somaliennes.
Le soutien britannique au Kenya
intervient dans le cadre de la
stratégie britannique visant à soutenir les efforts déployés par l'AMISOM afin
de réaliser la stabilité en Somalie. C'est dans le même cadre
que le 1er juillet 2018, Londres a fait
don de 47 machines lourdes (bulldozers et camions) d'une valeur de 5,6 millions
de livres sterling,
geste destiné à renforcer les capacités
de
la Mission de l'Union Africaine
dans sa guerre contre le Mouvement des Shebabs.
L'armée britannique a également formé 500 soldats somaliens
dans les domaines de la médecine, du
leadership, des renseignements,
de la logistique, de l'entretien des
matériels de guerre et des droits de l'Homme.
Il convient de mentionner que le
soutien
britannique aux forces
kényanes et à l’Amisom est très prudent dans
ce domaine: la Grande-Bretagne se contente de soutenir
les
pays de la Corne de l'Afrique et les forces
locales, mais n'intervient pas directement dans la guerre contre le terrorisme
bien qu'elle possède un patrimoine historique
dans cette région.
Une forte présence de Washington
Les États-Unis ne sont pas
effectivement
absents
des récents événements dans
la Corne de l’Afrique qui a connu une présence
grandissante des Shebabs
dans les
banlieues sud de
Mogadiscio
en plus des régions sud telles que le Shabelle
inférieur
et Gopaland. A cet égard, vers la fin d'août
2018, le commandement de l'armée américaine en Afrique (AFRICOM) a
déclaré avoir tué
3 des éléments du Mouvement dans un raid
aérien
sur la zone de Juba Central, à envron 40 km au
sud de Mogadiscio.
Les récentes
frappes américaines
survinrent malgré la circulation de
nouvelles
affirmant que
Washington avait l'intention
de réduire sa présence militaire en Afrique, notamment
en Libye, au Cameroun, en Tunisie et au
Kenya, mais
que la Somalie et le Nigeria en seront
exclus.
Il est à noter que les frappes
américaines
dans la dernière période se sont
principalement concentrées sur les sites des
Jeunes moudjahidines, affiliés
à
Al-Qaïda, tout en
épargnant les bastions de Daech en
Somalie. Ce qui ouvre la porte
à de nombreuses spéculations
sur le fait que les frappes aériennes vont
éventuellement affaiblir les
Shebabs,
mais par contre renforcer l'influence
de Daech dans la Corne de l'Afrique
qui demeure l'une des régions pouvant
abriter
cette organisation après avoir perdu
ses bastions en Syrie et en Irak.
Evaluation des mouvements
On peut dire que le Mouvement
des Shebabs a réussi en quelque sorte à
s'adapter aux pressions militaires et sécuritaires, mais aussi à les infiltrer
et à leur asséner des
coups très durs
au cours des deux dernières
semaines, et qui ont touché de nombreuses
cibles, au Kenya et en Somalie, révélant encore une fois
la faiblesse des efforts internationaux
pour faire face
aux Shebabs.
En ce qui concerne les répercussions
des actions britanniques
et américaines,
on constate que les actions britanniques
sont plus sérieuses que
celles des Etats-Unis dans la lutte
contre le terrorisme,
puisque
malgré les raids américains
successifs contre les sites des
jeunes insurgés au sud de la Somalie,
ils n'ont pas
pu entraîner de pertes importantes dans
les rangs
des Shebabs.
Quant aux actions britanniques,
elles viennent en appui des forces
locales et régionales qui connaissent
mieux la situation
sur le terrain et qui sont
donc plus capables de freiner
l’influence
et la nuisance des Shebabs.