Vif regain de contestation en Irak
La contestation a repris en Irak cette semaine, après une
accalmie consécutive aux tensions entre Téhéran et Washington. La mort d'un
manifestant jeudi matin a porté à douze le nombre de victimes des tirs de
police depuis lundi… et à 470 depuis le début du mouvement le 1er octobre.
Les manifestations et blocages de routes se sont amplifiés.
Les jeunes réclament du gouvernement des
élections anticipées, la refonte de la loi électorale, ainsi que la fin de la
corruption et du clientélisme, qui se traduit notamment par une répartition des
postes suivant les ethnies et confessions. Des centaines de camions-citernes ont
été dans l'incapacité d'approvisionner Bagdad, ce jeudi. Un champ produisant
100.000 barils par jour est également paralysé.
Les jeunes veulent la chute du régime
« Le
mouvement social est massivement opposé à la présence iranienne en Irak, y
compris par les chiites. Le drapeau iranien a été brûlé, un consulat a été
incendié », a observé mercredi Adel Bakawan, directeur du
centre de sociologie de l'Irak, lors d'une conférence à l'Institut français des
relations internationales. Le mouvement contestataire n'est pas, pour une fois,
communautaire mais il ne se manifeste pourtant qu'en territoire chiite. Les
jeunes aspirent à la chute du régime. « Il
y a une perte totale de confiance dans les élites, 85 % des Irakiens
préféreraient que le pétrole soit géré par une compagnie internationale plutôt
qu'irakienne », assure le chercheur.
« Entre 2003
et 2020, l'Etat irakien s'est rebâti sur une systématisation de la
corruption et il y a une très forte structuration de la société en milices, qui
a fait disparaître l'Etat-nation », explique Adel Bakawan. Il
dénombre près de 63 milices fortes de 175.000 hommes en armes qui auraient
absorbé près de 12 milliards de dollars en financement. Beaucoup
d'Irakiens dépendent d'elles pour un emploi ou une éducation.
Les Etats-Unis vont-ils rester ?
« L'absence
de pression sur Bagdad pour trouver une solution politique fait penser à
certains que les pays de la coalition ne jouent pas contre Daech. Les
Américains considèrent en effet que c'en est fini pour Daech et mobilisent
leurs moyens contre les milices qui les dérangent », note Adel
Bakawan. Or l'hypothèse d'un retour en force du groupe terroriste, avec ses
cellules dormantes et ses opérations en zones ciblées sur un territoire disputé
entre Bagdad et Erbil est à prendre au sérieux.
D'ailleurs, le général américain Alexus
Grynkewich a estimé jeudi que Daech est certes affaibli, mais pourrait resurgir
si les Etats-Unis quittent l'Irak. Le Parlement irakien a voté début janvier en
faveur du retrait des 5.200 soldats américains juste après l'élimination
à Bagdad du chef des forces Qods d'Iran , le général Qassem Soleimani. Cette présence
américaine s'inscrit dans le cadre d'une coalition internationale contre Daech
à laquelle participe aussi la France.