Djihadistes Français en Syrie, la bombe à retardement
Les Français
ayant rejoint Daesh représentent une menace indéniable pour la sécurité du
territoire. Emprisonnés dans une zone instable, où la France ne pèse pas dans
les crises qui la traversent, ces anciens membres de l'Etat Islamique
constituent une menace à long terme.
Le
débat concernant le retour de Français qui sont allés combattre en Syrie
continue de s’enliser. Le flou de la garde des sceaux sur le sujet ainsi que le
manque général d’informations sont propices au développement de l’inquiétude,
voire de l’incompréhension exprimée par l’opinion publique. Selon les sondages,
entre 80 et 90% des personnes interrogées sont contre le rapatriement de ceux
ayant appartenu au groupe Etat Islamique. Pourtant, derrière cette peur logique
et compréhensible, les intérêts de la France seraient justement de mettre en
œuvre ce retour. Rappelons d’abord que plus de 400 Djihadistes sont revenus en
France depuis le début de la guerre en Syrie, la plupart ayant été directement
mis sous contrôle judiciaire renforcé ou en détention provisoire. Aucun
« revenant » n’a commis d’attentats sur le territoire national depuis
son retour. Il reste aujourd’hui selon N. Beloubet entre 150 et 200 Français
dans les prisons Kurdes, dont une majorité d’enfants ainsi qu’un certain nombre
de femmes.
L’intérêt stratégique.
Combattant
en première ligne contre Daesh, les Kurdes détiennent logiquement un nombre
considérable des prisonniers de l’organisation terroriste. L’hypocrisie
française s’illustre alors, reconnaissant les Kurdes capables de juger selon leur
loi ces Français, sans pour autant ne les reconnaitre en tant qu’Etat, du moins
en tant que gouvernement autonome. En sous-traitant les tâches de gardiennage
et de Justice aux Kurdes sans avoir les capacités de leur assurer une autonomie
suffisante vis-à-vis des Turcs et du gouvernement de Bachar Al-Assad, la France
savait que les prisonniers du Rojava étaient une bombe à retardement. N’ayant
aucun levier politique ou économique sur la Turquie et encore moins sur les
Américains, la seule tactique française ne pouvait consister qu’au suivisme,
totalement dépendant des évènements locaux. De manière plus générale, lorsque
les Kurdes furent lâchement abandonnés par les Américains ainsi que par tout
soutient ne serait-ce que diplomatique Européen, de nombreux Djihadistes se
sont échappés des prisons tenues par les Peshmergas en profitant de l’offensive
turque. La France étant menacée par la planification des projets d’attentats
sur son territoire depuis la Syrie et l’Iraq, il serait certainement plus
stratégique d’un point de vue sécuritaire de les garder sous contrôle.
Aujourd’hui, le risque majeur est la volatilité des combattants Français de
Daesh, qui n’est ni la priorité des Kurdes devant faire face aux milices et à
l’armée Turcs, ni celle d’Erdogan (qui a d’ailleurs été un temps très
conciliant quant à la prolifération de Daesh dans la région). Il faut également
souligner qu’avoir à la disposition des services de renseignement et de police
ceux qui ont intégré l’Etat Islamique est d’un véritable intérêt stratégique.
De plus, la récente alliance de circonstance entre les YPG (Kurdes de Syrie
affilié au PKK, d’inspiration Marxiste) et le gouvernement Assad en raison de
l’agression Turque pourrait voir des Djihadistes Français se retrouver au milieu
de négociations, pouvant servir de leviers pour le parti détenteur de ces
individus. Si le gouvernement Syrie était amené à mettre la main sur des
Djihadistes Français, la France se retrouverait en situation délicate vis-à-vis
d’un gouvernement à qui elle est hostile. Pire, Bachar avait déjà preuve de
cynisme en 2012 en relâchant de ses geôles des fondamentalistes afin de
justifier sa répression sanglante. Dans une région instable où les dominants ne
sont pas nos alliés, il est essentiel de ne pas leur offrir encore plus de
cartes à jouer à nos dépends.
L’éthique politique.
Des
Français ont rejoint Daesh, ce qui devrait nous interroger quant à la
responsabilité de la société qui les a produits. Dans ses réflexions sur la
guillotine, Camus déclarait que « toute société a les criminels qu’elle
mérite ». Passant par des institutions républicaines telles l’école, la
Justice ou la prison, ces personnes qui visent à nous détruire désormais sont
aussi le symptôme d’une faillite de l’Etat. Assumer cette faillite, qui n’est
évidemment que partielle, serait l’honneur de notre nation. Il s’agit de
comprendre ce qui est encore du ressort du politique pour continuer le combat
contre ce nihilisme. En outre, ces ennemis qui sont les nôtres ne désirent pas
rentrer et ainsi se faire juger selon les lois de la République. Ce serait une
victoire intellectuelle qu’ils le soient. Dernièrement, le sort des enfants
devrait également préoccuper les autorités françaises, qui sont des victimes de
la haine. Plus le temps passe, plus ceux-ci seront difficiles à récupérer. Le
débat quant au retour des familles dure désormais depuis plus de trois ans,
autant d’années perdues qui auraient pu servir à les reconquérir vers un esprit
apaisé des haines.
L’opinion
publique n’est pas la démocratie.
Cette
vision est impopulaire, cela est d’ailleurs compréhensible. Cependant, il ne
s’agit pas ici d’un choix politique de la part du gouvernement, mais d’un
calcul politicien électoral. La France n’a aucun intérêt stratégique à laisser
cette situation durer. En matière militaire et de sécurité nationale, ce ne
sont pas les sondages qui doivent dicter les décisions à prendre, mais bien la
sûreté du pays et son indépendance vis-à-vis du reste des acteurs de la crise.