Publié par CEMO Centre - Paris
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Contestation.Quand le désespoir se radicalise au Liban

jeudi 23/janvier/2020 - 12:36
La Reference
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Trois mois après le début de la contestation, Beyrouth a connu, le 18 et 19 janvier, une éruption de violences qui a fait plus de 500 blessés. Un tournant, estime L’Orient-Le Jour, qui requiert des organisations représentant la société civile un plan de sortie de crise.

Certains ont posé, ce week-end, la question d’une infiltration, voire d’une instrumentalisation ou d’un détournement du mouvement de protestation populaire au Liban. Samedi 18 janvier, au premier jour du quatrième mois de révolte, la mobilisation avait commencé de manière pacifique avec des marches convergeant vers le Parlement. C’est là, en milieu d’après-midi, que le grand dérapage a commencé. Des manifestants ont jeté des projectiles sur les forces de l’ordre, qui ont dégainé tout l’arsenal répressif à disposition : canons à eau, gaz lacrymogène et balles en caoutchouc. Au bout de cette nuit de colère, l’on déplorait des centaines de blessés, dont certains graves.

Mais est-il primordial, finalement, de savoir qui sont ceux qui ont jeté la première pierre ? Des infiltrés, des affamés, des désespérés, des radicalisés ? L’essentiel, aujourd’hui, est peut-être ailleurs.

Le 19 janvier, dans le centre-ville de Beyrouth, la grande majorité des manifestants ne s’est pas engagée dans des actes violents et ne soutient pas une stratégie d’escalade. Il n’en demeure pas moins que quelque chose a changé. Car aujourd’hui, quatre-vingt-dix jours après le début du mouvement, nombreux sont les manifestants qui disent comprendre, même s’ils n’y adhèrent pas, la radicalisation. Cette “compréhension” n’était pas nécessairement d’actualité il y a un mois.

Marchandages politiques dignes d’un souk

La violence qui s’exprime, ces derniers jours, dans le cadre du mouvement de protestation, est le reflet d’une violence bien plus large subie par les Libanais. Violence économique, alors que la crise touche de plein fouet tant de Libanais, qui ont vu leur salaire amputé, quand ils n’ont pas purement et simplement perdu leur emploi. Violence de l’inflation, qui monte autant que la valeur de la monnaie nationale dégringole. Violence des restrictions bancaires qui contraignent les déposants à mendier un accès, limité, à leurs économies, fruit d’une vie de travail et presque seule ressource de survie dans un pays dépourvu de filet social digne de ce nom.

Violence, enfin, exercée par une classe politique qui reste éhontément sourde aux revendications et tourments du peuple. Pire encore, violence de ces politiques, impudents chiffonniers, qui continuent, sans même se cacher, leurs marchandages dignes d’un souk pour s’octroyer une plus grosse part d’un gâteau pourtant de plus en plus maigre et indigeste, au lieu d’avancer ne serait-ce qu’un début de plan pour sortir de la crise.

Des semaines durant, les Libanais ont répondu à cette violence multiforme par des manifestations pacifiques, avec une créativité, un courage et un humour remarquables.

Colère et frustration

“Désormais, deux types de personnes manifestent : celles qui ont encore espoir de changer le pays, et celles qui n’ont plus rien à perdre”, nous disait une manifestante ce week-end. Si ce sont ces derniers qui sont destinés à faire pencher la balance du mouvement, alors oui, les terribles images de ce week-end sont appelées à se répéter.

La radicalisation violente du mouvement est-elle le meilleur sinon, désormais, le seul moyen d’obtenir un changement ? Probablement pas. Mais pour que le mouvement reste pacifique, il faut que la colère et la frustration soient canalisées à travers de nouvelles stratégies de protestation, plus ciblées et plus efficaces, et que de nouveaux moyens de pression soient déterminés.

Ce n’est pas à la rue, qui a fait son boulot en se mobilisant depuis trois mois, qu’il faut demander de définir la forme, les formes, de cette nouvelle étape du mouvement aux portes de laquelle nous sommes. Aujourd’hui, il est urgent, indispensable, que les organisations, mouvements et partis issus de la société civile, ou proches d’elle, et synchrones avec les revendications du peuple, assument enfin le rôle qu’ils devraient jouer. Le temps des débats sous les tentes – formidables initiatives certes – est passé. Aujourd’hui, il s’agit de faire de la politique ; de s’engager ; de monter une ou des coalitions ; de produire un programme, des plans de sortie de crise, afin de mettre la pression sur ceux qui, aux commandes, ne produisent rien. De montrer qu’une alternative, du moins une force d’opposition, existe.

En un mot, il est urgent, pour ces organisations et partis, de ne plus se limiter à une activité relevant de l’associatif, mais de faire de la politique dans tout ce qu’elle a de plus noble.

            
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