Publié par CEMO Centre - Paris
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Libye : "l'Algérie veut jouer un rôle de médiateur "

mardi 21/janvier/2020 - 12:07
La Reference
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L'Algérie est inquiète du chaos qui règne chez son voisin libyen divisé désormais entre le Gouvernement d'union nationale libyen (GNA) de Fayez el-Sarraj basé à Tripoli et les forces du général Khalifa Haftar. Alger entend peser diplomatiquement dans la résolution du conflit. Analyse avec le chercheur Jalel Harchaoui.

La conférence internationale de Berlin est un échec. Les douze pays présents n’ont pas réussi à convaincre le général Khalifa Haftar, chef de l’Armée nationale libyenne, et Fayez el-Sarraj, Premier ministre du Gouvernement d’union nationale, de se rencontrer. Les participants au sommet se sont engagés à stopper toute ingérence dans le conflit et à respecter l’embargo sur les armes imposé par l’ONU. Cette promesse est insuffisante pour Alger. Le nouveau président algérien Abdelamadjid Tebboune a proposé d'accueillir un "dialogue" entre toutes les parties libyennes.

Jalel Harchaoui est chercheur à l’Institut des relations internationales de Clingendael (Pays-Bas), spécialiste de la Libye. Il évoque cette volonté d'Alger de revenir sur la scène diplomatique.

TV5MONDE : Comment est perçu le conflit libyen en Algérie ?

Jalel Harchaoui : L'Algérie partage 1000 kilomètres de frontière avec la Libye. Le conflit libyen est pour Alger, comme pour la Tunisie, une réalité avec ces civils morts et ces réfugiés. Plus de 160 000 personnes ont été ainsi déplacées depuis le mois d'avril 2019. Certains acteurs internationaux ne comprennent pas le scepticisme d’Alger pour le maréchal Haftar et son inclination pour le Gouvernement d'union national (basé à Tripoli et reconnu par l'ONU), soupçonné d’être pro-islamiste.

Les décisionnaires algériens, haut fonctionnaires et militaires algériens, détestent effectivement tout ce qui se rattache à l’islam politique. Ils ont été traumatisés par le conflit en Algérie des années 1990 contre les terroristes islamistes.

Culturellement, Khalifa Haftar ressemble aux dirigeants algériens. Comme eux c'est un laïc et un militaire. Pourquoi cette défiance algérienne à son égard ? Le maréchal Haftar est perçu comme étant l’agresseur, celui qui a déclenché l’offensive militaire d’avril sur Tripoli. Pour les Algériens, ce que le maréchal Khalifa Haftar a fait, en bombardant les civils, relève de la Cour pénale internationale de la Haye.

 Relire : qui sont les acteurs du conflit ?

TV5MONDE : Quels étaient les rapports de l’Algérie avec la Libye de Kadhafi ?

Les élites politiques algériennes détestaient profondément le régime de Kadhafi. Mouammar Kadhafi était soupçonné en effet de soutenir des mouvements sécessionnistes en Algérie. Mais les autorités algériennes avaient en face d’eux un interlocuteur et surtout la Libye avait un État. L’intervention des Français, des Occidentaux en 2011 a conduit à la disparition de cet État. 

Par principe, pour Alger, on ne détruit pas la structure étatique d'un pays. Les pays du Maghreb ont peur de vivre ce scénario. L'Algérie et le Maroc, qui ont des désaccords sur à peu près sur tout, se rejoignent sur cette condamnation de l’intervention occidentale en Libye et sur les dangers sécuritaires que posent de la fin de l’État libyen. Les pays du Maghreb sont unis politiquement sur cette question. Ils réclament la fin des ingérences étrangères dans le conflit.

Alger semble être réapparue sur la scène diplomatique. Est-ce que l'Algérie peut peser sur l’issue de ce conflit ?

Pour la première fois, depuis 7 ans, l'Algérie a un président qui parle et qui marche. La diplomatie algérienne est à nouveau et enfin incarnée. Les autorités algériennes ont très bien analysé le nouveau paysage diplomatique. Il existe aujourd’hui deux espaces diplomatiques. Le premier s’organise autour de la Turquie et de la Russie. Cette espace diplomatique a réussi à mettre en place un cessez-le-feu et une trêve assez fragile qui pour l’instant dure, même si au sommet de Moscou, le maréchal Haftar n’a pas entériné et n’a pas signé formellement le cessez – le-feu.

 Un autre espace diplomatique existe. C’est celui des Occidentaux, fortements divisés. En arrivant à Berlin, Tebboune espérait que la communauté internationale « recueille les fruits des efforts entrepris par Alger sur la question libyenne » (le président algérien avait déjà acceuilli Fayez El-Sarraj, chef du Gouvernement d'union national de Tripoli et le ministre des Affaires étrangères turc avant le sommet, ndlr).

Alger espérait jouer un rôle à Berlin mais n’a finalement pas pesé. Berlin et Paris n’étaient pas capables de s’entendre. Berlin plaidait pour un accord de cessez-le-feu signé rapidement par les deux parties. Paris soutient le maréchal Haftar et veut que ses forces puissent définitivement pousser leur avantage, envahir Tripoli et unifier le pays. Mike Pompeo, le secrétaire d’Etat américain, n’a rien fait. C’est un échec complet et Alger, invité à cette conférence, n’a pas réellement pu agir.

La Conférence international de Berlin est donc un échec, à la grande satisfaction d'Ankara et Moscou, le camp des non-Occidentaux. Alger espère désormais jouer un rôle en se rapprochant des efforts de médiation d'Ankara et de Moscou. L’Algérie est proche de la Russie, notamment en ce qui concerne les ventes d’armes. L’armée algérienne s'équipe en matériel russe.

Alger parle sans problème également avec la Turquie et compte sur des investissement turcs. L'Algérie veut jouer un rôle de médiateur dans cet espace diplomatique non-occidental qui entend résoudre le conflit en Libye. Abdelmadjid Tebboune propose d'organiser une rencontre entre "frères libyens". Cette rencontre est sans-doute possible avec le soutien d'Ankara et de Moscou. Mais Alger n'est pas non plus une puissance majeure.

Est-ce que cette nouvelle activité diplomatique a un effet sur la scène intérieure algérienne, sur l'opinion publique ?

Je ne crois pas que l'activité diplomatique du nouveau président ait un impact réel sur l'opinion publique algérienne. Les Algériens ont des préoccupations bien plus sociales et économiques.


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