Irak: les manifestations regagnent en intensité à Bagdad et dans le sud
Les manifestations ont regagné en
intensité dimanche dans le sud de l'Irak et à Bagdad, les protestataires
bloquant les rues avec des pneus en flammes et menaçant d'intensifier encore
leur mouvement si leurs revendications continuent de rester lettre morte.
Ce mouvement de contestation inédit qui
réclame depuis début octobre une refonte du système au pouvoir avait été
éclipsé ces dernières semaines par la flambée des tensions entre l'Iran et les
Etats-Unis, les deux principaux parrains de Bagdad.
Face au risque de voir leur pays
devenir la théâtre principal de l'affrontement entre Téhéran et Washington, les
manifestants avaient accordé un délai d'une semaine au gouvernement pour faire
avancer leurs revendications, dont le renouvellement d'une classe politique
jugée corrompue.
Dimanche, à la veille de cette
date-butoir, des centaines de jeunes en colère ont relancé le mouvement en
manifestant sur les places Tahrir et Tayaran à Bagdad.
D'autres contestataires ont brûlé des
pneus pour bloquer les autoroutes et les ponts, aggravant les embouteillages
dans la deuxième capitale la plus peuplée du monde arabe (quelque neuf millions
d'habitants).
Au moins dix personnes, dont des
policiers, ont été blessées dans les affrontements qui en ont résulté, selon
des sources médicales et sécuritaires à l'AFP.
«Ce n'est que la première escalade», a
déclaré à l'AFP un manifestant, écharpe enroulée autour du visage.
«Nous voulons envoyer un message au
gouvernement: arrêtez de tergiverser. Les gens savent ce que vous faites»,
a-t-il dit.
«Demain, le délai expire, ensuite les
choses pourraient devenir hors de contrôle».
-
«Nous commençons l'escalade» -
Un manifestant irakien scande des slogans lors d'une
manifestation sur la place Tayaran, près de la place Tahrir, dans le centre de
Bagdad, le 19 janvier 2020 / AFP
Les manifestants réclament un scrutin
anticipé sur la base d'une loi électorale réformée, et un nouveau Premier
ministre pour remplacer l'actuel chef du gouvernement démissionnaire Adel Abdel
Mahdi.
Ils demandent aussi la fin de la
corruption, qui a englouti en 16 ans deux fois le PIB de l'Irak, et du système
politique de répartition des postes en fonction des ethnies et des confessions.
M. Abdel Mahdi a démissionné il y a
près de deux mois, mais les partis politiques n'ont jusqu'à présent pas réussi
à s'entendre sur un successeur et celui-ci continue à diriger le gouvernement.
Les manifestants ont publiquement
rejeté les noms de possibles remplaçants possibles et sont furieux que d'autres
réformes de grande envergure n'aient pas été mises en œuvre.
«Nous commençons l'escalade
aujourd'hui, car le gouvernement n'a pas répondu à nos demandes», a dit Haydar
Kadhim, un manifestant à Nassiriya (sud).
«Nous avons accordé un laps de temps au
gouvernement pour mettre en oeuvre nos demandes, mais il semble ne pas s'y
intéresser», a déclaré un autre manifestant, Mohammad Kareem, âgé de 20 ans.
Un manifestant irakien agite un drapeau national lors
d'une manifestation antigouvernementale dans la ville sainte chiite de Najaf
sur le 19 janvier 2020 / AFP
Des rassemblements ont aussi eu lieu
dans les villes de Diwaniya, Kout, Amara, dans le sud, où la plupart des bureaux
gouvernementaux, des écoles et des universités sont fermés depuis des mois.
Dans la ville sainte de Najaf, au sud
de Bagdad, des jeunes arborant des drapeaux irakiens ont brûlé des pneus et
entamé un sit-in sur une route principale menant à la capitale.
Plus au sud, à Bassora, les étudiants
ont participé à un mouvement de grève.
- Manifestation concurrente -
Depuis octobre, la contestation,
inédite parce que spontanée, a été émaillée par des violences et réprimée par
les forces de l'ordre. Il y a eu environ 460 morts --quasiment tous des
manifestants-- et plus de 25.000 blessés.