Le Liban récupère son droit de vote à l'ONU après le paiement d'arriérés
"Nous reconnaissons pleinement que les évènements récents" au pays du Cèdre "ont mis en difficulté le système bancaire retardant le paiement de cette contribution", a déclaré Stéphane Dujarric, porte-parole des Nations unies.
Le Liban a récupéré son droit de vote à l'ONU, perdu depuis vendredi, après avoir payé des arriérés à l'Organisation, ont annoncé lundi le porte-parole des Nations unies, Stéphane Dujarric et la représentante du Liban au Conseil de sécurité de l'ONU, Amal Mudallali.
"C'est fait ! Le Liban
a payé ses cotisations qui ont été retardées de quelques jours en raison de la
situation actuelle au Liban et tout est revenu à la normale. Le Liban n'est
plus visé par l'article 19", a annoncé sur son compte twitter la
représentante du Liban au Conseil de sécurité de l'ONU, Amal Mudallali.
e pays du Cèdre a donc
récupéré son droit de vote à l'ONU, a confirmé un peu plus tard le porte-parole
des Nations unies, Stéphane Dujarric à notre correspondante Sylviane Zehil.
"Ce matin, le contrôleur des Nations unies m'a informé que le Liban venait
de faire un paiement. Grâce à ce paiement, le droit de vote du Liban a été
rétabli en vertu de l’article 19", a-t-il indiqué. Il n'a pas été en
mesure de dire combien le Liban avait payé ni combien ce pays doit encore en
arriérés à l'ONU. "Nous reconnaissons pleinement que les évènements
récents au Liban ont mis en difficulté le système bancaire retardant le
paiement de cette contribution", a ajouté Stéphane Dujarric.
Selon l'article 19 de la
charte des Nations unies, "un membre en retard dans le paiement de sa
contribution aux dépenses de l'Organisation ne peut participer au vote à
l'Assemblée générale si le montant de ses arriérés est égal ou supérieur à la
contribution due par lui pour les deux années complètes écoulées".
"L'Assemblée générale peut néanmoins autoriser ce membre à participer au
vote si elle constate que le manquement est dû à des circonstances
indépendantes de sa volonté", est-il ajouté.
Mme Mudallali ne précise pas
non plus quelle somme le Liban a payé, mais, dans une lettre datée du 7 janvier
2020 et adressée au président de l’Assemblée générale par le secrétaire
général, il est indiqué que le montant minimal que le Liban devait verser pour
ramener ses arriérés en deçà du montant brut de sa quote-part pour les deux
années complètes écoulées (2018 et 2019) est de 459 008 dollars.
Vendredi, l'ONU avait
annoncé que dix pays dont le Liban étaient suspendus de leur droit de vote à
l'Assemblée générale. Trois pays (Comores, Sao Tome et Principe et Somalie) sur
ces dix Etats échappent toutefois à la suspension, leurs manquements étant dus
à des circonstances indépendantes de leur volonté, comme le prévoit l'article
19. Le budget de fonctionnement de l'ONU est d'environ 3 milliards de dollars.
Celui des opérations de paix atteint quelque 6 milliards de dollars. Fin 2019,
l'Organisation, confrontée à un grave problème de trésorerie, a décidé une
série de mesures d'économies dont plusieurs sont toujours en vigueur
aujourd'hui.
"Indignation"
L'annonce de la suspension du droit de vote du Liban à l'ONU avait suscité une
vague d'indignation dans le pays, fondateur de l'ONU, de nombreux internautes
imputant sur les réseaux sociaux cette décision à la mauvaise gestion des
affaires publiques et aux divisions internes dans le pays.
Durant le week-end, les ministères libanais des Finances et des Affaires
étrangères se sont renvoyés
mutuellement la responsabilité du non-paiement de la
cotisation depuis deux ans. La diplomatie libanaise avait ainsi rejeté, dans un
communiqué publié samedi, toute responsabilité, estimant avoir effectué en
temps voulu les procédures nécessaires pour le paiement. "Le ministère des
Affaires étrangères a respecté toutes les obligations et terminé ses
transactions dans le temps imparti", avait assuré le communiqué publié par
le palais Bustros. Le ministère avait estimé en outre que cette affaire
"porte atteinte aux intérêts du Liban et au prestige de l’État",
exprimant l'espoir qu'elle sera résolue "le plus rapidement
possible". Il n'avait pas pointé nommément du doigt les responsables de ce
défaut de paiement et n'avait pas précisé la raison pour laquelle les fonds
n'ont pas été transférés à l'ONU.
Peu après, le ministère
libanais des Finances avait affirmé ne pas avoir reçu de demande de paiement
des frais requis. "Le calendrier des paiements est établi de manière
indépendante, chaque année, selon les demandes des autorités concernées",
avait ajouté le ministère. Et de souligner n'avoir reçu qu'une seule demande de
paiement, samedi matin. Le ministère avait dans ce cadre assuré que le montant
serait payé lundi.
Parant aux accusations des
Finances, le ministère des Affaires étrangères avait publié deux documents,
datant de 2018 et 2019, dans lesquels le chef sortant de la diplomatie, Gebran
Bassil, demandait à son collègue au ministère des Finances, Ali Hassan Khalil,
de verser les contributions du Liban aux différents conseils régionaux et
organismes internationaux dont le pays est membre. "Les versements de ces
cotisations sont des dépenses annuelles qui, si elles ne sont pas payées, ont
un effet négatif sur la réputation du Liban", précise le palais Bustros.
Le ministère des Finances
avait rétorqué avoir payé toutes les contributions pour lesquelles il a reçu
des demandes de versement. Dans un tweet, Ali Hassan Khalil avait appelé les
Affaires étrangères à "reconnaître ses erreurs, en assumer la
responsabilité et régler le problème d'ici lundi".
Ce n’est pas la première
fois que le Liban se trouve dans cette situation. En 2002 et 2003, le pays du
Cèdre n’avait pas payé sa quote-part pour les deux années complètes écoulées,
soit un paiement minimal de 1.113.100 dollars américains.
Le Liban fait face à sa pire
crise économique et politique depuis la guerre civile de 1975-1990. La Banque
mondiale a récemment averti que la moitié de la population pourrait sombrer
dans la pauvreté. Le ralentissement économique coïncide avec un mouvement de
protestation sans précédent depuis le 17 octobre réclamant le départ d'une
classe politique, jugée incompétente et corrompue.