Affaire Carlos Ghosn : le Japon accentue la pression sur le Liban
À la veille d'une conférence de presse très attendue de
Carlos Ghosn, l'ambassadeur nippon au Liban a exhorté le pays du Cèdre à
coopérer avec l'Archipel.
A la veille d’une conférence
de presse très attendue de Carlos Ghosn, Tokyo accentue la
pression sur Beyrouth dans l’espoir de juger l’homme d’affaires. Ce mardi,
l’ambassadeur du Japon au Liban, Takeshi Okubo, a rencontré le président du
pays du Cèdre, Michel Aoun. Ces deux représentants étaient accompagnés d’autres
officiels libanais, comme le directeur général de la Sûreté générale, Abbas
Ibrahim, et le ministre aux Affaires de la présidence, Salim Jreissati.
Durant la rencontre, le
représentant nippon a «regretté que Carlos Ghosn ait quitté illégalement le
Japon et soit arrivé au Liban». Il a, en outre, exhorté les autorités
libanaises à «fournir la coopération nécessaire» dans ce dossier
judiciaire et politique, y compris dans le cadre d’une «enquête», afin
d’éviter toute «répercussion négative» sur les relations entre les deux
pays. Les deux parties ont également évoqué les «liens d’amitié solide»
entre les nations, souhaitant les maintenir.
Le sujet Ghosn a été
abordé sans ambiguïté, le «gouvernement et le peuple japonais» étant «très
préoccupés» par ce sujet. La manière dont l’ancien homme fort de Renault a
quitté le pays et s’est rendu discrètement au Liban inquiète tout
particulièrement les autorités de l’Archipel, a précisé la présidence
libanaise sur
Facebook. De son côté, l’ambassade du Japon précise toutefois que
le chef de l’État libanais a expliqué que son gouvernement n’était «pas du
tout impliqué dans cette affaire». Sans rien promettre, il a toutefois
déclaré qu’il allait répondre aux demandes de coopération du Japon.
Dans la foulée, le
ministre de la Justice libanais, Albert Serhan, a indiqué avoir reçu la notice rouge
d’Interpol portant sur l’ancien dirigeant de
l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi. Les «mesures nécessaires» seront
prises par le procureur, a-t-il ajouté sans plus de précision. Entré «légalement»
sur le territoire, Carlos Ghosn est «un citoyen libanais et il sera donc
traité comme tel par la justice», a déclaré le représentant libanais.
Un
dossier politique et judiciaire sensible
Les relations entre le
Liban et le Japon sont compliquées par l’affaire Ghosn. «Préoccupé»,
Tokyo tente de faire revenir le célèbre ex-PDG depuis sa fuite du Japon, fin
décembre. Début
janvier, la ministre japonaise de la Justice, Mosako Mori, a
dénoncé un départ «inexcusable», et a déclaré qu'une «notice rouge»
d’Interpol demandant son arrestation allait être émise. Beyrouth n’est
cependant en aucun cas forcé de s’y conformer, ces documents n'étant que des
avis de recherche internationaux. En outre, le Liban n’a pas signé d’accord
d’extradition avec le Japon et Carlos Ghosn est entré dans les règles dans le
pays. Rien n'impose «l'adoption de procédures à son encontre» ni
ne «l'expose à des poursuites judiciaires», a considéré la
Sûreté générale. Le retour de l’homme d’affaires en Asie ne semble donc pas à
l’ordre du jour.
La justice nippone ne
compte toutefois pas baisser les bras. Au contraire, même : selon Reuters,
un haut responsable du ministère de la Justice anonyme a déclaré que le Japon
ferait «tout son possible» pour que l'homme d'affaires soit jugé pour ses
actions. Les autorités cherchent des moyens d'obtenir le retour de Ghosn :
les procureurs n'ont pas eu de mots assez durs contre lui, estimant que sa
fuite était «injustifiable» et qu'elle avait eu lieu à l'aide de «moyens
illégaux». Le ministre des Affaires intérieurs, Yoshihide Suga, a ainsi
considéré qu’il fallait «examiner attentivement les systèmes juridiques des
deux pays» pour mieux déterminer les prochaines étapes du dossier.
Ce sujet est devenu
d’autant plus délicat que la justice japonaise a
également émis ce mardi un mandat d’arrêt à l’encontre de
Carole Ghosn, l’épouse de l’ancien président de l’Alliance. Elle est soupçonnée
d’avoir livré un faux témoignage lors d’une audition à Tokyo, en avril
dernier : le mandat l’accuse d'avoir prétendu ne pas connaître ou ne pas
avoir rencontré des personnes liées à une entreprise ayant reçu des paiements
de Nissan Motor, dont une partie a ensuite été transférée à une entreprise
détenue par Carlos Ghosn. Pour l’heure, le ministre de la justice libanais a
toutefois indiqué n’avoir reçu aucun document sur ce dossier connexe.
Accusé d’avoir humilié le
système judiciaire japonais en se soustrayant à la surveillance des autorités,
Carlos Ghosn devrait s’exprimer ce mercredi, en début d’après-midi, lors d’une
conférence de presse : l’homme d’affaires compte bien donner sa version de
l’histoire, et il a d’ores et déjà promis détenir des «preuves»
démontrant l’existence d’un complot visant à le faire chuter en même temps que
ses plans de fusion entre Renault et Nissan. Des membres du gouvernement nippon
seraient impliqués dans l’affaire, a-t-il sous-entendu.
Les promesses de Carlos
Ghosn vont-elles ébranler les relations entre les deux pays ? En tout cas,
elles suscitent déjà l'appréhension. Toujours selon Reuters, le constructeur Nissan
a ainsi renforcé un groupe de travail dédié à «tout ce qui touche à Ghosn».
Ce dernier vise notamment à gérer les accusations de son ancien dirigeant et à
préparer des réponses à ses déclarations. «Plus il reçoit de sympathie des
médias et du public, plus il renforce son influence sur le gouvernement
libanais pour le protéger», a déclaré l’un des responsables de Nissan à
l'agence de presse.