Algérie : La mort du général Ahmed Gaïd Salah ne changera rien
Le général Ahmed Gaïd Salah, mort lundi 23 décembre d'une crise cardiaque, était bien l'un des hommes les plus puissants du pays, confirme sur franceinfo le spécialiste de l'Algérie Kader Abderrahim. Toutefois, sa disparition "dans l'immédiat, ne changera rien", ni pour l'Algérie, ni pour la France estime le maître de conférence à Sciences-po.
franceinfo : Le général Gaïd Salah, c'était bien sûr le chef de l'armée algérienne, mais c'était surtout l'un des hommes les plus puissants du pays.
Kader Abderrahim : Oui, cela faisait depuis 1992 que l'armée n'avait pas assumé la réalité du pouvoir ouvertement, sans se cacher ou sans tenter de civiliser la réalité du pouvoir et le général Gaïd Salah, lui, a pris le taureau par les cornes. Je pense que c'était à la fois son tempérament et la nécessité politique après le retrait et la démission du président Bouteflika.
C'était l'un de ses soutiens absolus ?
Oui, il avait été nommé par Bouteflika depuis plus de quinze ans. Il a été, dans l'ombre, l'homme qui lui a permis d'avoir un tel parcours et une telle carrière. Jusqu'au bout, il lui est resté fidèle, jusqu'au moment où les intérêts de Gaïd Salah et ceux du président Bouteflika ont divergé. Et là, il n'a pas fait de sentiments. Il a décidé de lâcher le président de la République pour se concentrer sur ses intérêts et, dit-on, sur les intérêts de l'Algérie.
A partir de quand ces liens se sont-ils défaits ?
Depuis le début de l'année il y avait des divergences sur la question de savoir si, oui ou non, le président Bouteflika pouvait faire un cinquième mandat, ce qui paraît évidemment, aux termes même de la Constitution, totalement surréaliste. Et puis, il y a eu des divergences qui se sont faites jour, qui se sont accentuées et au fur et à mesure, ils avaient des positions totalement divergentes, différentes sur la vision de la succession. Et puis, le général Gaïd Salah a préféré jouer une carte personnelle et en avril, avec le début le 22 février du mouvement Hirak, en avril, le général Gaïd Salah a décidé de lâcher le président de la République et son entourage, ce qui a provoqué pour lui même, dans un premier temps, une forme d'installation au pouvoir aux commandes du pays et une relative sympathie de la part des protestataires algériens. Mais ça n'a pas duré puisque très vite, il a fait sentir et il a fait comprendre qu'il fallait revenir à la légalité en organisant une nouvelle élection présidentielle après la démission du président Bouteflika.
Qu'est ce que sa disparition change aujourd'hui pour l'Algérie?
Dans l'immédiat, ça ne changera rien. Un successeur est déjà désigné. Il s'agit du général Saïd Chengriha, qui est un homme plus jeune, qui est un homme plus ouvert et qu'on dit plutôt attentif aux questions de sécurité et de défense auxquels est confronté aujourd'hui l'Algérie. Donc, dans un premier temps, il va y avoir probablement une évaluation avec la nouvelle équipe à l'état major des armées, et puis ensuite, on verra si les choses évoluent. Mais dans l'immédiat, rien ne changera.
Rien ne changera pour la France non plus ?
Probablement pas. Il va falloir apprendre à connaître ce nouveau patron de l'armée algérienne, d'autant qu'il faut travailler avec lui. Comme vous le savez, nous sommes quand même impliqués aujourd'hui dans au moins deux conflits frontaliers de l'Algérie à savoir l'opération Barkhane dans le nord du Mali et en Libye, qui a 1000 km de frontière commune avec l'Algérie et qui constitue l'une des menaces à laquelle l'Algérie doit faire face.