Tripoli : La voie ouverte à une intervention directe de la Turquie en Libye
Le Gouvernement libyen d'union nationale (GNA) a annoncé jeudi la "mise en oeuvre" d'un accord de coopération militaire signé récemment avec la Turquie, ouvrant la voie à une intervention plus directe d'Ankara en Libye.
La Turquie soutient déjà le GNA dans sa guerre contre les forces rivales du maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l'est libyen, qui mènent depuis avril une offensive contre Tripoli.
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, est allé même jusqu'à promettre le 10 décembre l'envoi de troupes pour soutenir le GNA de Fayez al-Sarraj si ce dernier le demande, aux termes de l'accord signé entre les deux parties fin novembre, exacerbant davantage les tensions dans la région.
En présence de responsables militaires, le GNA a "approuvé à l'unanimité la mise en oeuvre" de cet accord , a indiqué jeudi le gouvernement dans un communiqué.
Cet exécutif n'a pas donné de détails sur les termes de l'accord ou la nature de l'aide qu'Ankara pourrait lui fournir en plus de des drones et blindés déjà livrés ces derniers mois, selon l'ONU, par la Turquie aux forces anti-Haftar.
Les forces de M. Haftar sont appuyées notamment par les Emirats arabes unis et l'Egypte, deux rivaux régionaux d'Ankara.
- Guerre par procuration -
Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a ainsi réagi mardi au rapprochement entre le GNA et Ankara, dénonçant toute velléité de contrôler la Libye voisine.
"Nous n'autoriserons personne à contrôler la Libye (...) c'est une question qui relève de la sécurité nationale de l'Egypte", a déclaré M. Sissi, cité par plusieurs médias d'Etat.
Malgré le soutien dont elles bénéficient, les troupes du maréchal Haftar, qui espéraient une victoire rapide à Tripoli, ont échoué à rentrer dans la capitale, plus de huit mois après le début de leur assaut.
M. Haftar a annoncé jeudi dernier une nouvelle "bataille décisive" pour s'emparer de la capitale, sans résultats probants sur le terrain jusqu'ici.
Ses troupes font toujours face à une résistance farouche de plusieurs groupes armés de l'ouest libyen, dont notamment ceux venus de Misrata, ville située à 200 km à l'est de Tripoli.
Le conflit qui a fait plus de 1.000 morts et 140.000 déplacées, selon l'ONU, s'est transformé en une guerre par procuration entre puissances régionales et a provoqué des divisions entre puisances mondiales, compliquant toute reprise d'un processus politique.
L'émissaire de l'ONU en Libye, Ghassan Salamé, table sur une conférence internationale prévue début 2020 à Berlin, pour mettre fin, selon lui, aux divisions internationales sur la Libye et imposer le respect de l'embargo sur les armes décrété en 2011 contre la Libye.
- Tensions en Méditerranée -
Un récent rapport de l'ONU épingle en effet plusieurs sociétés et pays accusés d'avoir violé cet embargo en livrant des armes ou des combattants aux deux camps rivaux en Libye.
Le document cite particulièrement la Jordanie, les Emirats et la Turquie accusés d'avoir violé régulièrement l'embargo avec des armements ayant bénéficié aux troupes de Haftar (pour les deux premiers pays) et au GNA pour Ankara.
Si les armes continuent d'affluer dans le pays, il en va de même pour les mercenaires et combattants étrangers, dont des soudanais et des tchadiens recrutés par les deux camps, selon ce rapport.
Et si la Turquie cherche à s'imposer face à ses ses rivaux régionaux en Libye, elle compte aussi mettre un pied en Méditerranée orientale riche en hydrocarbures.