Publié par CEMO Centre - Paris
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Sahel : logistique, là où le bât blesse

vendredi 13/décembre/2019 - 12:28
La Reference
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Le lourd bilan de l'attaque terroriste contre le camp d'Inates au Nigerest le plus important depuis le début des incursions des groupes djihadistes dans ce pays. Soixante et onze morts, sans compter les disparus et les blessés qui risquent d'augmenter ce triste record, qui représente un nombre de pertes jamais atteint au Sahel en une seule bataille contre des insurgés islamistes. Galvanisés par leurs succès depuis trois mois dans la région des « trois frontières », ces groupes armés terroristes, les GAT en langage militaire, poussent désormais leur avantage en lançant une sorte d'offensive générale avec des attaques à répétition et des effectifs importants, pendant que le leitmotiv du gouvernement à Paris mise sur les années pour inverser la situation, comme si cette antienne pouvait estomper ce qu'on peut désormais qualifier à ce stade d'échec. De quoi irriter les présidents des pays du G5 Sahel qui estiment ne pas porter, du moins totalement, la responsabilité de cette situation désastreuse.

Tout le Sahel ébranlé

Ils le rappellent volontiers : l'origine du terrorisme qui se répand comme un feu de brousse trouve son origine dans l'intervention militaire en Libye, dont la France a été le maître d'œuvre. Faute de ne pas avoir accompagné l'après-Kadhafi et en ne contrôlant pas ses immenses stocks d'armes livrés aux quatre vents, celles-ci ont permis aux groupes terroristes de lancer leur djihad au Sahel. Un reproche que les présidents Issoufou du Mali et Idris Déby du Tchad répètent depuis. Ils avaient même prévenu Nicolas Sarkozy de ne pas ouvrir cette boîte de Pandore, disent-ils aux journalistes qu'ils rencontrent. Le Mali a été le premier touché. Il a entraîné dans un effet de domino les pays voisins qui n'étaient pas préparés à faire la guerre à des groupes terroristes.

Emmanuel Macron n'était pas, certes, aux affaires quand ce conflit a commencé. Mais en ne modifiant rien de ce qui avait été initié sous le quinquennat précédent, si ce n'est le vœu d'un G5 Sahel sans beaucoup de moyens, la situation sécuritaire n'avait fait qu'empirer depuis sa présidence. En même temps se développait une aide internationale désordonnée, sans vraiment de coordination et de chef. Faute de ne pas avoir su amener en six ans les armées locales à un niveau opérationnel acceptable, celles-ci ont perdu la course contre les groupes terroristes, qui se sont, eux, « professionnalisés », ont acquis de nouveaux armements et pratiquent une coordination au coup par coup efficace.

L'onde de choc après Inates

D'où l'attaque du camp d'Inates par plusieurs axes, après une préparation d'artillerie avec des mortiers qui ont enflammé dépôts de carburant et de munitions. A suivi l'assaut de plusieurs centaines de combattants, on parle de 500, sur des motos et des pick-up. Les terroristes ont d'abord détruit les postes de communication et les antennes radio avant de s'attaquer au reste. Le chef du détachement s'est battu avec son adjoint jusqu'à la dernière cartouche. Soixante combattants, du mouvement État islamique en Afrique de l'Ouest qui a revendiqué l'attaque, sont morts au combat. Seuls trois véhicules militaires auraient pu s'échapper pour aller chercher du renfort à plusieurs heures de piste. Comme cela a déjà été le cas, les avions et les hélicoptères français basés à Niamey, à 250 kilomètres de la frontière, prévenus trop tard, sont arrivés après la bataille. On peut se demander cependant comment une nuée de véhicules soulevant de la poussière comme dans les films déjantés de Mad Max a pu échapper aux drones français et américains. Alors qu'Inates, déjà attaqué en juillet dernier, constitue un verrou sur la frontière avec le Mali, éloigné de cinq kilomètres, où se trouvent les groupes terroristes éparpillés dans la forêt d'épineux de la réserve d'Ansongo, qui reste, a priori, très surveillée.

Une opération conjointe venait même de se terminer dans la zone. Du coup, un raid djihadiste à cent à l'heure sur Niamey n'est plus à écarter, puisque l'armée nigérienne, plutôt bien motivée, manque d'hommes, d'entraînement, de matériels et de moyens de communication. Même sur une position, une « sonnette » comme Inaté, aucun officier n'a pu prévenir « l'arrière » grâce à un simple téléphone satellitaire portatif Thuraya. La coordination avec le dispositif Barkhane ne semble pas non plus avoir fonctionné. Quatre mille cinq cents soldats français déployés sur un territoire grand comme l'Europe ne peuvent pas de toute manière intervenir partout.

Vers un renfort de la communauté internationale

Mais l'arrivée de forces spéciales d'une demi-douzaine de pays européens ne devrait pas non plus permettre vraiment d'inverser la tendance contre des terroristes qui ont pris l'initiative sur le terrain. Annoncée pour 2020 par la ministre des Armées, Florence Parly, sans précision de dates, l'opération Takuba, « sabre » en tamasheq, devrait dans quelques mois rejoindre les forces maliennes. Difficile cependant d'imaginer des commandos suédois et norvégiens, spécialistes du combat par grand froid et qui ne parlent pas français, accompagner au combat des soldats maliens par 40 degrés à l'ombre. S'ils doivent effectuer de la formation auprès des forces maliennes, ce dispositif existe déjà avec la mission de formation de l'Union européenne au Mali (EUTM) qui comprend des instructeurs de vingt-sept nations. Avec la mission des Nations unies, c'est cinquante nations de plus qui sont représentées au Mali.

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