Au Yémen, un accord entre gouvernement et séparatistes tarde à être appliqué
Le gouvernement yéménite et les séparatistes sudistes ont échoué à former un gouvernement dans le délai prévu par un accord signé en novembre et qui avait suscité l'espoir de contribuer plus largement à la résolution du conflit avec les rebelles.
Le conflit, qui a fait des dizaines de milliers de morts et conduit à la pire crise humanitaire dans le monde selon l'ONU, a été déclenché en 2014 lorsque le gouvernement a été chassé de la capitale Sanaa par les rebelles Houthis, provoquant une intervention d'une coalition militaire dirigée par Ryad.
En août, des combats ont éclaté sur un autre front, lorsque les séparatistes sudistes se sont emparés de la grande ville du Sud, Aden, qui faisait office de nouvelle capitale pour le gouvernement.
Les liens étroits entre les forces séparatistes et les Emirats arabes unis -- un allié clé des Saoudiens au sein de la coalition militaire venue en aide au gouvernement face aux rebelles-- ont par ailleurs provoqué des tensions au sein de la coalition.
Pour mettre fin à cette "guerre dans la guerre", l'Arabie saoudite est parvenue à décrocher le 5 novembre un accord entre le gouvernement et le Conseil de transition du Sud (STC).
L'accord prévoyait le retour du gouvernement à Aden, où sont revenus le Premier ministre Maïn Saïd et plusieurs ministres le 18 novembre.
Mais une autre disposition de l'accord, portant sur la création sous 30 jours d'un gouvernement composé de 24 membres et intégrant des ministres issus du STC, ne s'est pas concrétisée, tout comme l'intégration des forces séparatistes au sein d'un commandement central.
"Il n'est pas surprenant de voir les délais dépassés", estime Elisabeth Kendall, spécialiste du Yémen à l'Université d'Oxford, pour qui le calendrier prévu par l'accord était "très ambitieux".
"La question la plus importante est: est-ce que la traduction dans les faits des engagements est juste retardée, ou est-ce que ces engagements sont-ils juste impossibles à tenir?", s'interroge-t-elle.
- "Progrès significatifs" -
Chaque partie s'accuse de violer l'accord, notamment en ce qui concerne la formation d'un nouveau gouvernement.
Jeudi, le porte-parole du STC Nizar Haitham a affirmé que le gouvernement "s'écartait" de l'accord et déployait ses troupes dans le sud du Yémen, ce que l'intéressé a démenti.
Un autre responsable séparatiste a toutefois évoqué récemment des "progrès significatifs" dans la mise en oeuvre de dispositifs sécuritaires et militaires.
"La semaine prochaine, nous commencerons à appliquer ce qui a été convenu", a indiqué à l'AFP cette source, sans donner davantage de détails.
Le porte-parole du gouvernement Rajih Badi a lui reporté la faute sur les séparatistes, assurant à l'AFP que les manoeuvres militaires des forces loyalistes dans le sud étaient conformes à l'accord.
Si les tensions dans le sud ont diminué, le calme reste précaire, met en garde Mme Kendall.
"Il s'agit d'un exemple classique d'un accord facile à signer mais presque impossible à mettre en oeuvre", estime-t-elle.
Pour Neil Partrick, expert du Golfe, l'application de l'accord "repose, en premier lieu, sur la sincérité de groupes yéménites très différents à vouloir, et à être capable, de partager le pouvoir à Aden".
"Il est extrêmement ambitieux d'espérer qu'un accord de partage du pouvoir tienne de manière significative à Aden", dit-il à l'AFP.
Au moment de la signature de l'accord, l'émissaire de l'ONU au Yémen, Martin Griffiths, avait salué "une étape importante" pour les efforts "en vue d'un règlement pacifique du conflit au Yémen".
Or l'absence de progrès sur le terrain depuis un mois apparaît comme un revers pour ceux qui tentent de mettre un terme à la guerre.
Sans compter qu'elle provoque la déception à Aden, selon Mohammed Bawzeer, un habitant.
"Les délais ont expiré, et il n'y a pas de changement sur le terrain", déplore-t-il. "Nous voyons juste les choses s'empirer".