Publié par CEMO Centre - Paris
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La Turquie en Libye: chaos, destruction et recherche d’un héritage maudit

mercredi 04/décembre/2019 - 08:55
La Reference
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Mahmoud al-Batakouchi

Les méfaits commis par les Ottomans par le passé, leur descendant turc Erdogan les reproduit aujourd’hui en poussant les groupes terroristes à la destruction en Libye.

La Turquie vise ainsi à faire d’une pierre plusieurs coups : d’une part, elle soutient le gouvernement libyen d’entente nationale dirigé par le Frériste Fayez as-Sarraj et les milices terroristes de Misrataet d’autre part, elle ouvre un marché pour ses armes obsolètes, au détriment de la stabilité du pays. La Turquie voit en effet que le moment est propice pour entraver le plan de l’armée nationale sous la direction de Khalifa Haftar pour libérer la capitale, et attiser les dissensions dans ce pays déchiré par la guerre civile, tout en délivrant les agents des Frères musulmans des coups répétés qu’ils subissent.

Notons que le régime turc défie la communauté internationale en violant la décision d’embargo sur les armes vers la Libye imposé depuis 2011, au milieu d’un silence général malgré toutes les preuves, et après l’aveu d’Erdogan lui-même de son soutien aux milices dépendant du gouvernement d’entente.

Par ailleurs, la Grèce avait arraisonné en janvier 2018 un navire turc se dirigeant vers la Libye et transportant des matières explosives.

Outre quarante véhicules blindés de type BMC Kirpi, des missiles antichars, des avions et des mitraillettes, ainsi que des drones.

D’autre part, les autorités douanières libyennes ont saisi une cargaison d’armes dans la ville portuaire de Khoms, en provenance de Turquie, ainsi que des blindés destinés à un groupe armé inconnu, ce qui prouve son soutien aux terroristes dans ce pays.

Cela après avoir saisi une somme d’un million quarante mille euros et l’équivalent de 65000 dollars à bord d’un avion devant faire le trajet entre l’aéroport de Benghazi et celui d’Istanbul, et plusieurs semaines après avoir saisi dans le port de Misrata une nouvelle cargaison d’armes turques comprenant 20000 pistolets.

Et en décembre 2018, un navire turc est arrivé au port de Khoms avec des armes et des munitions.

 

Le pétrole, le gaz et la reconstruction : trois raisons ayant poussé la Turquie à soutenir les milices terroristes du gouvernement d’entente en Libye

 

Erdogan ambitionne de refaire de la Mer méditerranée un « lac ottoman », par le biais de la coopération avec les milices armées en Libye. Dans le but de mettre la main sur le pétrole libyen, la valeur totale des réserves de gaz naturel à l’est de la Méditerranée atteignant 3 trillions de dollars.

La Turquie cherche également à profiter des accords de reconstruction estimés à près de 18 milliards de dollars.

C’est pourquoi Ankara a parié dès le début sur le maintien du gouvernement As-Sarraj pour que cela lui permette de délimiter les frontières maritimes et d’élargir ses zones économiques exclusives en Libye, de façon à contrôler les sources d’énergie à l’est de la Méditerranée.

Le moment de l’accord militaire et sécuritaire entre Erdogan et Sarraj n’est pas le fruit du hasard, la Turquie ayant décidé de faire partie de ceux qui souhaitent piller le pétrole libyen, de façon à sortir de sa crise économique, qui la contraint à prospecter dans les eaux régionales de Chypre. Or, face au refus des pays principaux de la région, le régime turc s’est vu obligé de rechercher une alternative, qu’il a trouvée en Libye.

La situation en Libye constitue un environnement propice à la réalisation des objectifs de la Turquie, dont le fait de fournir un refuge sûr pour permettre à Daech de relancer ses activités au Moyen-Orient, et obtenir une part du pétrole libyen. 

La reconnaissance par toute autorité en Libye de frontières maritimes pour la Turquie lui permettra de dépasser la zone économique actuelle, et de réclamer les richesses gazières se trouvant dans les eaux des autres pays de la Méditerranée, de l’Egypte à la Syrie, et de Chypre à Israël et au Liban.

D’autre part, la Turquie cherche à maximiser ses profits économiques en permettant aux groupes qui lui sont inféodés de contrôler la terre, en particulier les groupes terroristes de l’ouest libyen. Et elle souhaite obtenir la plus grande part possible de projets de reconstruction en Libye, par le biais des entreprises de construction turques, et compenser les pertes subies en Libye après la chute du régime de Qadhafi. 

La volonté d’Erdogan de piller les richesses des autres n’est pas nouvelle, puisque ses ancêtres ottomans excellaient dans l’imposition d’impôts au peuple libyen, qui constituaient une ressource essentielle du budget du sultanat.

 

La rancœur contre l’Egypte et la volonté de sauver sa popularité en déclin parmi les principaux buts de l’accord maritime turco-libyen

En concluant avec Fayez as-Sarraj un accord de coopération sécuritaire et relatif aux zones maritimes, Erdogan vise à étrangler l’Egypte, en se rapprochant des frontières avec l’Egyptequi a réussi à faire face aux plans du groupe des Frères musulmans, surtout que l’histoire témoigne de la lutte de l’Etat ottoman avec l’armée égyptienne.

Le plus étonnant, c’est que la politique d’Erdogan en Libye s’accomplit avec la bénédiction des Américains, tandis que les Russes soutiennent le maréchal Khalifa Haftar. Cependant, la Turquie ne souhaite pas une confrontation avec Moscou.

C’est pourquoi il est probable qu’Ankara ne cessera pas de défier la communauté internationale, et qu’Erdogan poursuivra ses aventures à l’est de la Méditerranée pour rehausser sa popularité avant les élections de 2013.

 

Ankara, capitale mondiale du terrorisme 

La Turquie et les milices armées sont les deux faces d’une même pièce. Car alors que les pays voisins tentent de soutenir l’armée nationale libyenne sous la direction du maréchal Haftar, qui cherche à purger la Libye des milices terroristes, le président turc ne cesse de soutenir les groupes extrémistes comme les Frères de Libye. 

Le régime turc utilise les Frères pour réaliser son but de diriger le pays et de contrôler les ressources de l’Etat libyen, étant donné que les éléments de ce groupe terroriste sont liés au Parti de la Justice et du développement, au pouvoir en Turquie.

Depuis le début de la crise libyenne, Ankara abrite les principales figures du terrorisme en Libye, et ceux qui sont recherchés pour leur rôle dans les actes de violence et l’insécurité, outre les dirigeants des Frères qui ont propagé le chaos depuis la chute du régime de Qadhafi en 2011.

C’est ainsi que résident en Turquie les chefs du Conseil de la Choura de Benghazi considéré comme organisation terroriste, dont Tareq Bal’am et Ahmad al-Mujbiri, qui ont été interdits d’entrée en Grande-Bretagne en novembre 2017 pour extrémisme, et expulsés en Turquie, qui leur a accordé une résidence permanente.

Y résident également nombre de dirigeants des Frères, qui jouissent de la protection du régime turc, dont Mohammad Margham qui avait demandé à la Turquie d’intervenir militairement contre l’armée libyenne.

La Turquie a également accordé sa protection à l’ex-dirigeant du groupe libyen combattant Abdel Hakim Belhaj, recherché par la justice libyenne, après son implication dans plusieurs attaques contre des institutions publiques libyennes, et dans la déstabilisation de la Libye. Et lorsque le procureur général libyen émit des ordres d’incarcération de 826 terroristes en septembre 2018, ils fuirent tous en Turquie.

Ankara se charge aussi de soigner les blessés des groupes terroristes, et en janvier 2017, Ansar ach-Charia a annoncé la mort de son chef Mohammad az-Zahawi dans un hôpital turc, des suites de ses blessures durant un combat contre l’armée nationale libyenne.

Ankara a soutenu les groupes terroristes par trois moyens :

Au niveau logistico-politique, Erdogan a soutenu les groupes de l’islam politique et ses milices à l’extérieur de la Libye idéologiquement.

Il a aussi soutenu les milices du gouvernement d’entente avec des armes légères, pour leur permettre de provoquer le chaos.

Et enfin, il les a soutenues par des armes qualitatives (avions), car il sait bien que toute fin à la livraison d’armes et au chaos affaiblira la position de la Turquie et à ses intérêts en Libye. 

Tout le monde connaît par ailleurs le rôle turc dans le transfert des groupes terroristes d’Edleb en Syrie vers la Libye, comme l’a révélé le colonel Abou Bakr Al-Badri, un officier d’opérations dans la marine libyenne, qui a confirmé que le navire turc Amazon qui avait mouillé à Tripoli, transportait de nombreux terroristes, dont des éléments de Daech.

De même, la Turquie œuvre à transférer des fonds blanchis par le biais de la société libyenne al-Ajniha (Les Ailes), fondée par l’émir du groupe libyen combattant lié à al-Qaïda, Abdel Hakim Belhaj, en Turquie.

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