Algérie: manifestation massive contre la présidentielle à 48h de la campagne
A 48 heures de l'ouverture de la campagne de la présidentielle prévue le 12 décembre, les Algériens étaient à nouveau massivement dans la rue vendredi pour dire non à un scrutin destiné selon eux à régénérer un "système" dont ils veulent se débarrasser.
Après avoir obtenu en avril le départ d'Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis 20 ans, le "Hirak", le mouvement de contestation inédit apparu le 22 février, refuse de s'essouffler. La mobilisation était encore massive, malgré le froid et la pluie, pour ce 39e vendredi consécutif de manifestations.
Malgré aussi la centaine d'incarcérations de manifestants, militants et journalistes depuis juin, une vague de répression des manifestations entamée peu après l'annulation, faute de candidats, d'une première présidentielle le 4 juillet.
Mardi, un tribunal d'Alger a jugé 28 personnes, arrêtées en possession d'un drapeau amazigh (berbère) coupables d'"atteinte à l'intégrité du territoire national" et les a condamnées à six mois de prison ferme. Le lendemain, cinq autres, jugées pour les mêmes faits, ont été acquittés par un autre tribunal de la capitale.
Une longue banderole sur laquelle figuraient noms et photos des "détenus d'opinion" s'étirait sur une quarantaine de mètres à l'intérieur du cortège à Alger vendredi. Une centaine de journalistes, portant un brassard blanc indiquant "journaliste libre", ont défilé pour dénoncer les "intimidations et menaces" contre la presse.
Certains manifestants, furieux de la couverture de la contestation par les médias publics et certains médias privés accusés de collusion avec le pouvoir, les ont traités "d'opportunistes". "Vous venez de vous réveiller!" ont-ils accusé.
- "Dégage"! -
Ahmed "Gaïd Salah, dégage!", "Etat civil et non militaire", ont à nouveau scandé les contestataires à l'adresse du chef d'état-major de l'armée, homme fort de fait du pays depuis la démission de M. Bouteflika.
Le général Gaïd Salah et le haut commandement militaire refusent depuis des mois toute autre voie de sortie de crise qu'une présidentielle et rejettent la mise sur pied d'institutions de transition réclamée par les manifestants.
"Les élections n'auront pas lieu!", ont répondu les manifestants, à deux jours du lancement de trois semaines de campagne électorale.
Achour, chauffeur de taxi de 54 ans, en est sûr: "dans les meetings, il y aura plus de policiers et de gendarmes que de citoyens" pour "protéger les candidats de la colère du peuple".
Des panneaux électoraux ont été recouverts de slogans hostiles au vote, selon des images publiées sur les réseaux sociaux, où des appels à perturber les déplacement des candidats commencent également à fleurir.
Cinq candidats sont en lice, tous ayant participé aux 20 ans de présidence Bouteflika ou l'ayant soutenu, parmi lesquels les ex-Premiers ministres Ali Benflis et Abdelmajid Tebboune, des septuagénaires qui font office de favoris d'un scrutin dont tout laisse à penser qu'il sera marqué par une abstention massive.
- "Que des promesses" -
Pour Aïcha, retraitée, personne n'ira aux urnes le 12 décembre: "ce sera la présidentielle la plus importante depuis l'indépendance... par le taux d'abstention", sourit-elle.
"Comment voulez-vous voter quand les candidats sont tous des enfants du "système""?, poursuit Malika Benabderahmane, sa cousine également retraitée. "Quel que soit le candidat, in fine, c'est le programme de Bouteflika qui va passer: des promesses, rien que des promesses, toujours des promesses qui ne seront pas tenues".