Menace terroriste : le risque d'exfiltration de combattants de Daech
La DGSI a arrêté début octobre un ressortissant tunisien, soupçonné d'être un revenant de Daech ayant réussi à rejoindre en Europe en 2017 sans attirer l'attention.
C'est un risque que les autorités ne sous-estiment pas: celui de l'exfiltration de djihadistes de Daech vers la France. Alors que la situation en Syrie reste instable après l'annonce du retrait des troupes américaines et l'invasion turque le mois dernier, aucune évasion massive de prisonniers français n'a été à ce jour recensée. Mais 12 Françaises ont tout de même réussi à fuir le camp d'Aïn Issa, dans le nord syrien. Quatre d'entre elles, accompagnées de leurs sept enfants, ont d'ailleurs rejoint la Turquie. En vertu du protocole Cazeneuve, elles vont être expulsées vers la France où elles seront mises en examen dès leur descente de l'avion. Officiellement aucun homme n'a réussi à s'échapper. "La situation est sous contrôle même si elle évolue au jour le jour. Les Kurdes tiennent les prisons", assure une source sécuritaire. Ils sont environ 200 ressortissants hexagonaux à être dénombrés dans les camps. Et quelques dizaines de combattants Français seraient par ailleurs toujours actifs dans la région d'Idlib.
Qu'ils soient détenus ou libres, la crainte est la même: que certains réussissent à passer entre les mailles du filet et parviennent à rejoindre l'Europe et la France clandestinement. Qu'ils soient des djihadistes français ou d'autres nationalités. Ainsi, début octobre, cette appréhension a pris forme quand un Tunisien de 29 ans a été interpellé. Cette arrestation est passée inaperçue car elle a eu lieu au même moment que l'attaque meurtrière de la préfecture de police de Paris. Mais elle est pourtant pour le moins emblématique: l'intéressé est un revenant de Daech, décrit par une source comme un combattant soupçonné d'avoir pu occuper des postes à responsabilités.
Mutation de la menace
Sa présence sur le sol européen n'était pas récente: il aurait quitté la Syrie en 2017 avant de rejoindre l'Allemagne puis la France. Si aucun projet de passage à l'acte à court terme n'a été décelé, des éléments de radicalité ont été mis à jour par les enquêteurs, notamment dans ses échanges. Surtout, c'est son environnement qui a laissé penser qu'il pouvait représenter un danger potentiel. Il a ainsi été mis en examen le 6 octobre et écroué pour association de malfaiteurs terroriste criminelle, ainsi que trois autres personnes.
"La disparition du califat territorial avec la chute du dernier bastion de l'Etat islamique à Baghouz en Syrie (en mars) n'a pas sonné le glas de la menace terroriste", a rappelé jeudi dernier Jean-Charles Brisard, président du Centre d'analyse du terrorisme (CAT) à l'occasion d'une journée de conférence sur le sujet qu'il organisait à Paris. "La phase actuelle est une phase de transition, de recomposition des capacités opérationnelles." Quatre ans après les sanglants attentats de Paris et de Saint-Denis qui ont coûté la vie à 131 personnes, la menace terroriste est toujours élevée mais elle a muté: elle est devenue principalement endogène, c'est à dire le fait d'individus n'ayant pas rejoint l'organisation Etat islamique (EI) sur le terrain mais qui répondent directement à sa propagande en passant à l'acte sur le sol français.
"Daech n'est pas en capacité de concevoir un nouveau 13 novembre"
Aujourd'hui, dans ce type de dossiers de menace dite "inspirée", les services de renseignement ne retrouvent plus de liens entre les sympathisants radicalisés en France et des membres de l'EI sur le terrain irako-syrien, comme ça a été fréquemment le cas après 2015. "Daech n'est plus en capacité de concevoir un projet terroriste tel que le 13 novembre. La menace projetée depuis la zone a considérablement diminué depuis la période 2015-2016", assure un ponte du renseignement. En matière de lutte antiterroriste, le risque zéro n'existe pas. Mais la probabilité d'une attaque projetée de cette ampleur depuis le Sham, comme les terroristes surnomment la zone irako-syrienne, a très largement diminué.