"On a infiltré le groupe Etat islamique physiquement, mon grand frère et moi" : le pari fou de deux agents secrets irakiens
En juillet 2014, le groupe Etat islamique étend son territoire entre la Syrie et l'Irak, et commence à faire régner la terreur dans le monde entier. Les Faucons, l'unité d'élite des renseignements irakiens, tentent alors l'impossible : infiltrer l'organisation terroriste. Ce pari fou, deux officiers, deux frères, l'ont réussi. "En 2015, on a infiltré le groupe Etat islamique physiquement, mon grand frère, le capitaine Harith, et moi, raconte Munaf, qui fait partie des Faucons. On a rejoint leurs rangs sous de faux noms et prénoms, et des personnalités différentes. On a rencontré les chefs de l'organisation, on a vécu, mangé et dormi avec eux."
Voici leur histoire, extraite d'un reportage à voir dans "Envoyé spécial" jeudi 14 novembre sur France 2.
Mission : organiser des attentats... fictifs
Rapidement, les deux frères se voient confier des missions terroristes à Bagdad. Le groupe Etat islamique leur remet des véhicules piégés à faire exploser dans la capitale irakienne. En réalité, explique Munaf, "on réceptionnait les voitures, on simulait sur le lieu convenu avec le groupe Etat islamique une explosion qui ne faisait ni victimes ni dégâts matériels, et on informait le groupe qui, très fièrement, la revendiquait". Un stratagème audacieux qui a permis de sauver des vies en évitant que ces attaques soient confiées à de vrais terroristes, tout en protégeant les deux agents infiltrés.
Trahis par une caméra de surveillance
Mais fin 2016, un détail crucial leur échappe lors de l'organisation d'un faux attentat. Il va leur coûter très cher. L'équipe chargée de l'attaque fictive ne remarque pas la présence d'une caméra de surveillance appartenant à un magasin. Toute la fausse opération est filmée : l'explosion d'une voiture, puis des Faucons qui courent se mettre à terre pour jouer le rôle de victimes. Diffusées sur les réseaux sociaux, ces images parviennent jusqu'au groupe Etat islamique. L'organisation comprend qu'elle est infiltrée.
"Harith s'est sacrifié"
"Harith était sûr à 90% qu'il était démasqué, raconte son frère. Mais il s'est sacrifié." Il accepte, le 31 décembre 2016, la mission qui va lui coûter la vie. Il réceptionne une camionnette chargée de 800 kilos d'explosifs qu'il est censé faire exploser le soir même.
Harith est escorté par son frère, par de faux taxis, et par une "tactical team" équipée d'un système de brouillage pour empêcher le groupe Etat islamique de déclencher les explosifs à distance. Les Faucons emmènent le véhicule piégé pour le désamorcer. Des dizaines de vies ont pu être sauvées, mais Harith a signé son arrêt de mort.
Héros national
Dans la camionnette piégée, l'organisation terroriste a dissimulé un GPS et un système d'écoute que Les Faucons découvriront trop tard... Six mois après, les jihadistes diffuseront la vidéo de l'exécution de Harith. Aujourd'hui, en Irak, il est considéré comme un héros national. Les Faucons, eux, ont encore recours à de faux attentats dans leur guerre contre l'organisation Etat islamique.