Publié par CEMO Centre - Paris
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Comment Donald Trump s'est embourbé dans l'affaire ukrainienne

mercredi 13/novembre/2019 - 09:23
La Reference
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L'affaire ukrainienne, c'est l'histoire d'une diplomatie parallèle qui prend le pas sur la politique officielle des Etats-Unis. Jusqu'à pousser Donald Trump à prononcer des mots qui lui valent aujourd'hui la pire infamie pour un président américain, une procédure de destitution pour abus de pouvoir.

Alors que le milliardaire républicain rejette toutes les accusations, voici le récit des pressions exercées sur l'Ukraine, sur fond de considérations de politique intérieure à l'approche des élections américaines de 2020.

- Giuliani allume la mèche -

D'après les témoignages recueillis par le Congrès, c'est l'irruption de Rudy Giuliani qui allume une mèche explosive.

Maire de New York respecté pendant les attentats du 11 septembre 2001, le truculent septuagénaire a rejoint l'équipe d'avocats personnels du 45e président des Etats-Unis. Et s'intéresse à l'Ukraine -- par le prisme de la politique américaine.

Déterminé à démonter les soupçons de collusion avec Moscou qui empoisonnent Donald Trump depuis sa victoire de 2016, Rudy Giuliani exhume, malgré l'absence de faits avérés, une thèse de certains cercles trumpistes selon laquelle c'est en fait l'Ukraine qui se serait ingérée dans le scrutin américain, et au profit des démocrates.

Ses cibles: les démocrates en général et Joe Biden en particulier, dont le fils Hunter est entré en 2014 au conseil d'administration d'une société gazière ukrainienne, Burisma. Il se trouve que l'ancien vice-président de Barack Obama est aussi le favori pour affronter Donald Trump aux élections de 2020...

- Un "canal irrégulier" -

Rudy Giuliani clame que Joe Biden a demandé le limogeage d'un procureur ukrainien pour sauver son fils d'investigations visant Burisma. Et obtient la tête de l'ambassadrice américaine à Kiev, Marie Yovanovitch, elle-même accusée sans preuves d'avoir voulu protéger les démocrates.

Dépêché à sa place comme chargé d'affaires, William Taylor craint de mettre les pieds dans "une toile de machinations politiques".

Il en découvre aussitôt l'étendue.

23 mai, Maison Blanche. De retour de l'investiture du nouveau président ukrainien Volodymyr Zelensky, l'envoyé spécial pour l'Ukraine Kurt Volker et l'ambassadeur auprès de l'Union européenne Gordon Sondland pressent, "emballés", Donald Trump de le rencontrer.

Récalcitrant, l'ex-homme d'affaires finit par lâcher: "Parlez à Rudy".

Sous l'impulsion présidentielle, naît ainsi un "canal irrégulier" pour la politique ukrainienne.

- Enquêtes contre invitation -

De Volker à Taylor en passant par Sondland, tous assurent avoir éprouvé un malaise face à "l'ordre" du président d'impliquer son conseil. Mais ils s'accommodent de l'intrus en espérant qu'il plaide pour une rencontre Trump-Zelensky.

D'emblée, Rudy Giuliani émet une condition pour accorder au président ukrainien une entrevue dans le Bureau ovale: il doit promettre des enquêtes anticorruption avec, pour cibles, le rôle ukrainien dans les élections américaines de 2016, et Burisma.

Les diplomates avalent cette nouvelle couleuvre car, après tout, la lutte contre la corruption en Ukraine est une priorité américaine. Sans dissimuler une certaine gêne.

Le chargé d'affaires Taylor prévient en juillet dans un SMS que Kiev ne veut pas être "un simple instrument de Washington et ses jeux politiques internes en vue de la réélection". L'émissaire Volker est plus direct: "Ce qui intéressait Giuliani, c'est Biden" et son "fils", se souvient-il.


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