Irak: affrontements et tirs à Bagdad après des violences meurtrières à Kerbala
La contestation en Irak a repris lundi un tour violent avec des affrontements à Bagdad, où les forces de l'ordre on tiré sur des manifestants pour la première fois en dix jours, dans la foulée de violences nocturnes près du consulat iranien à Kerbala.
Lundi soir, les forces de sécurité ont tiré à balles réelles sur des manifestants qui avançaient vers le siège de la télévision d'Etat à Bagdad, ont rapporté des témoins. Une vingtaine de personnes ont été blessées, selon des sources médicales et policières.
Des affrontements avaient lieu également aux abords de rues menant vers l'ambassade d'Iran, le siège du gouvernement et les ministères des Affaires étrangères et de la Justice. Les manifestants jetaient des pierres alors que les forces de l'ordre tiraient des grenades lacrymogènes, a constaté un photographe de l'AFP.
La mobilisation a été marquée depuis son début le 1er octobre par la mort d'environ 270 personnes, principalement des manifestants --selon un bilan compilé par l'AFP, les autorités ayant cessé de communiquer sur les victimes.
Dans la nuit de dimanche-lundi, quatre manifestants ont encore été tués alors qu'ils tentaient d'incendier la représentation diplomatique de l'Iran, pays voisin et grand parrain de la politique irakienne, à Kerbala, ville sainte chiite (100 km au sud de Bagdad) visitée chaque année par des millions de pèlerins iraniens.
Ils ont déployé des drapeaux irakiens sur le mur d'enceinte du consulat et y ont écrit "Kerbala libre, Iran dehors", alors que les protestataires accusent Téhéran d'être l'architecte du système politique irakien qu'ils jugent corrompu et incompétent.
Les forces de l'ordre ont répliqué avec des rafales de balles réelles. Wissam Chaker, père d'Ali, 20 ans et qui figure parmi les victimes, a affirmé à l'AFP que son fils avait été mortellement touché par une balle à l'épaule et une autre à la tête.
- "Pierres contre balles" -
"Que le gouverneur ne vienne pas nous dire que (les manifestants) étaient armés alors qu'ils n'avaient que des pierres contre les balles des forces de sécurité", a lancé un proche d'une autre victime, refusant de donner son nom.
Depuis quelques jours, la colère des protestataires --qui réclament "la chute du régime"-- se concentre sur l'Iran, l'une des deux puissances agissantes en Irak avec les Etats-Unis. Ces derniers sont absents des slogans des manifestants, et n'ont que faiblement réagi à la crise.
A l'opposé, en octobre, le général Ghassem Soleimani, commandant des forces chargées des opérations extérieures des Gardiens de la Révolution --l'armée idéologique iranienne--, a multiplié les visites en Irak. Et les commentaires du guide suprême iranien Ali Khamenei, qui dénonce un "complot" américain et israélien, ont exacerbé l'ire des Irakiens.
"Consternée par l'effusion de sang", la représentante de l'ONU en Irak a appelé à ne "pas sous-estimer ou mal interpréter la très grande frustration" des Irakiens.
Depuis le début de la semaine --dimanche en Irak--, la désobéissance civile paralyse routes, infrastructures pétrolières et administrations.
A Bagdad et dans le sud du pays, la plupart des écoles publiques sont fermées, tandis que dans plusieurs villes, des cortèges de manifestants ont accroché d'immenses banderoles portant l'inscription "Fermé au nom du peuple" sur des dizaines de bâtiments publics et coupé routes et ponts.
La route menant au port d'Oum Qasr --vital notamment pour les importations alimentaires-- est coupée par des blocs de béton sur lesquels figure la même inscription: "Fermé sur ordre du peuple". Des dizaines de bateaux ont repris la route sans avoir pu décharger, de source portuaire.