La zone dite de « sécurité » contrôlée par la Turquie en Syrie gérée par les brigades djihadistes
Ceux qui ont suivi l’histoire récente de la guerre en Syrie des neuf dernières années avaient déjà entendu parler des brigades rebelles nommées Hamza, Sutan Mourad ou encore Ahrar al-Charqiya. Ces brigades sont réunies sous l’appellation rassurante de « l’Armée nationale syrienne » qui offre une seconde carrière à des ex soldats de l’EI ou d’Al Qaida actuellement en déroute à Ildib. Suite au contrôle de Afrin en janvier 2018 ces rebelles y font régner l’ordre. Interrogé par Le Figaro du 31 octobre 2019 un habitant, Mahmoud, commente :
«Ces gens-là ne sont pas des révolutionnaires, ce sont des mercenaires, formés et payés par la Turquie. À dire vrai, je ne pense pas qu’Ankara leur donne directement des ordres, mais ça arrange bien le pouvoir turc qu’ils fassent le sale boulot à sa place.»
Contacté à Afrine, un jeune Kurde affirme, sous le sceau de l’anonymat, vivre «la peur au ventre»: «Un nouvel ordre moral règne sur la ville: vente d’alcool interdite, femmes de plus en plus voilées… À la périphérie d’Afrine, les rebelles syriens prélèvent aux agriculteurs une taxe de 2 dollars sur chaque olivier.» (Le Figaro du 31-10-2019)
La nouvelle zone tampon conquise par la Turquie de 120 kilomètres de large sur 30 kilomètres de profondeurs, l’a été par ces brigades djihadistes qui furent en première ligne, engagement bien commode pour ne pas exposer les soldats turcs.
Une vidéo diffusée par Al Masdar News du 31 octobre montre sept civils malmenés, les yeux bandés et les mains attachés, conduits dans un lieu inconnu à l’arrière d’un véhicule. La localité du tournage est Tall Tamr dans le district de Al-Hasakah. Le même média diffusait le 30 octobre une vidéo d’exactions de quinze prisonniers de l’armée arabe syrienne (armée
régulière syrienne), contrevenant aux lois de la guerre concernant les prisonniers. On apprend le lendemain que les survivants ont été remis à la police militaire russe.
La brigade Sultan Mourad -du nom du sultan Ottoman Mourad II (1404-1451) qui attaqua Thessalonique et la Serbie- s’est faite épinglée par Amnesty international en mai 2016 et un rapport des Nations unies pour des crimes de guerre contre des civils, 83 civils tués dont 30 enfants et 700 blessés selon Amnesty. Aussi, cette brigade pro turque a visé le monastère orthodoxe de Wartan le 25 octobre 2013 avec des tirs de mortiers selon un rapport de Syrian Network for Human Right.
Concernant Ahrar al-Charqiya, alliée en son temps aux djihadistes salafistes de Jaysh Al Islam et Tahrir Al Sham dans les batailles d’Alep et Ghouta. Des exactions commises à Afrin ont conduit plusieurs soldats à faire défection. Ces djihadistes ont fait fermer les magasins vendant de l’alcool à Afrin. L’ironie de l’histoire est que la Turquie a brièvement combattu une unité de Ahrar al-Charqiya, les Martyrs de Sharqya, en novembre 2018 les accusant de pillages et de kidnappings et de ne pas suivre la ligne turque…Un an après, la brigade djihadiste était embauchée par la Turquie pour affronter les Kurdes. Aussi, la brigade Hamza avait combattu ce groupe avant d’être aujourd’hui intégrée à la coalition turque. La nébuleuse des brigades rebelles se coagule malheureusement sous l’égide de la Turquie en cette fin 2019.