Au Liban, les 13 jours qui ont conduit à la 3e démission de Hariri
Le Premier ministre libanais Saad Hariri et son gouvernement ont démissionné ce mardi 29 octobre, au 13e jour d’une révolte populaire inédite réclamant le départ de l’ensemble d’une classe politique qui a laissé couler le pays.
Il s’agit de la troisième démission de Saad Hariri, après une première fois en 2011, après qu’une dizaine de ministres de l’exécutif a démissionné, et une deuxième en 2017. Il avait finalement annulé cette démission après avoir passé notamment quelques jours en France.
Cette nouvelle annonce télévisée de Saad Hariri a été accueillie par les vivats de la foule qui l’écoutait en direct sur plusieurs lieux de rassemblement, avant que ne retentisse l’hymne national repris à pleins poumons par les manifestants.
Des feux d’artifice ont été aussitôt tirés dans Beyrouth tandis que des voitures ont sillonné la ville tous klaxons hurlants en signe de victoire.
Dabké et jus d’orange
À Saïda, la ville du sud dont est originaire Saad Hariri, la foule a dansé la dabké, danse traditionnelle levantine, assortie de distribution de café et de jus d’orange.
Lors d’une brève et solennelle allocution, Saad Hariri, 49 ans, a assuré avoir voulu répondre ”à la volonté de nombreux Libanais qui sont descendus dans la rue pour réclamer le changement”.
Il a appelé “tous les Libanais à privilégier l’intérêt du Liban (...) à protéger la paix civile et à prévenir toute détérioration de la situation économique”.
Il s’est rendu dans la foulée au palais présidentiel de Baabda pour y remettre sa lettre de démission au chef de l’État Michel Aoun.
Après près de deux semaines d’une révolte populaire inédite dans l’histoire du Liban, les manifestants ont obtenu gain de cause sur une de leurs principales revendications. Mais leur colère vise plus globalement l’ensemble de la classe politique, jugée unanimement incompétente et corrompue.
“Tous veut dire tous”, a d’ailleurs de nouveau scandé la foule après l’annonce de Saad Hariri, une manière de signifier que la révolte n’est peut-être pas terminée pour autant.
Le pays reste quasiment paralysé par des barrages routiers qui bloquent les principales entrées de la capitale. Banques, écoles et université sont fermées depuis le début du mouvement. L’armée a été déployée, mais elle est restée neutre.
La décision de Saad Hariri intervient alors que la situation s’était tendue ces derniers jours sur le terrain, malgré des rassemblements restés globalement festifs.
Juste avant son discours, des heurts ont éclaté à Beyrouth où des dizaines d’assaillants ont détruit les tentes érigées par les manifestants, prenant des chaises pour projectiles et attaquant avec des bâtons les manifestants qui n’avaient pas fui à leur approche.
Heurts
Trente ans après la fin de la guerre civile (1975-1990), la population souffre toujours de pénuries chroniques d’eau et d’électricité. Plus d’un quart des Libanais vit sous le seuil de pauvreté et le pays est classé parmi les plus corrompus du monde.
La colère populaire a explosé le 17 octobre après l’annonce d’une nouvelle taxe sur les appels via la messagerie WhatsApp. La rapide annulation de la mesure n’a pas empêché la révolte de gagner l’ensemble du pays, de Tripoli au nord à Tyr au sud.