« C’est la fin des Kurdes de Syrie » : peur et désespoir des réfugiés chassés par la Turquie
Dix jours avant de traverser la frontière irakienne, Mahmoud Issa, 37 ans, donnait des cours d’anglais dans un établissement scolaire de Ras Al-Aïn, ville kurde et arabe du nord-est de la Syrie. Aujourd’hui, il mange du riz arrosé de sauce tomate dans une barquette en plastique sous la tôle d’un hangar des forces armées kurdes irakiennes, les peshmergas, près d’un village perdu dans des méandres de collines brûlées de la frontière entre l’Irak et la Syrie.
Entre-temps, les bombes turques ont commencé à tomber près de chez lui et des bandes islamistes à la solde d’Ankara ont traversé la frontière. Les images de leurs méfaits, humiliations et exécutions sommaires ont semé la terreur. Depuis, le régime syrien a amorcé son retour dans les localités du nord-est.
Jeté sur les routes avec les siens comme 300 000 autres Syriens du nord du pays, Mahmoud Issa a erré de ville en ville avant de se faire une raison. « En Syrie, avec le régime, les Turcs et Daech qui va profiter de la situation, il n’y a plus rien de bon… » Au point de le contraindre aux incertitudes de l’exil. Il a vu son pays se refermer sur lui, comme un piège, comme sur son épouse et ses enfants, plus jeunes que la guerre elle-même. Il a fallu partir.
Alors le professeur d’anglais a pris la route de la frontière, vers les steppes où rien ne sort de terre sinon les lourdes colonnes de fumée noire qui signalent les raffineries clandestines des trafiquants d’essence, vers les villages aux maisons basses et les routes perdues où chaque nuit, l’obscurité se fait complice des contrebandiers, des ombres en armes, des tueurs de tout bord.