Avec l'offensive turque en Syrie, des femmes de l'EI rêvent de s'enfuir
Traînant son niqab noir dans les allées poussiéreuses du camp d'Al-Hol en Syrie, Oum Oussama affiche fièrement son appartenance au groupe Etat islamique. Avec l'offensive turque, elle rêve d'un retour du "califat" et se voit déjà fuir avec des milliers de femmes de l'EI.
"On ne partira pas sans nos maris emprisonnés", avertit la Syrienne de 25 ans, rescapée des violents combats à Baghouz, dernier bastion jihadiste où s'est éteint le "califat" de l'EI en mars et reconquis par les forces kurdes soutenues par Washington.
"Maintenant que les Kurdes sont faibles, on espère que le califat sera proclamé à nouveau", se réjouit la jeune femme, qui attend d'emmener sa petite fille à la clinique du camp.
Le camp d'Al-Hol, où s'entassent près de 70.000 personnes dans le nord-est syrien, accueille des milliers de femmes affiliées à l'EI, des Syriennes et des Irakiennes, mais aussi des occidentales venues de France, de Belgique ou d'Allemagne.
Souvent les maris sont morts au combat ou croupissent dans les prisons. A Al-Hol, les étrangères sont parquées avec leurs enfants dans un secteur grillagé, isolé du reste du camp. Pour entrer et sortir, les femmes sont fouillées par des combattantes des forces kurdes.
Une tranchée de deux mètres de profondeur a été creusée et des caméras de surveillance sont installées sur le grillage pour empêcher les évasions.
L'offensive lancée contre les forces kurdes par la Turquie le 9 octobre a suscité des inquiétudes, la minorité kurde mettant en garde contre une résurgence de l'EI à la faveur du chaos sécuritaire.
Et à Al-Hol, les tentatives d'évasion ont augmenté, alors que des gardes kurdes ont été envoyés au front, reconnaît l'administration du camp.
- "La délivrance" -
Fusil à l'épaule, des combattants patrouillent dans les allées. Les femmes marchent à pas rapide pour éviter les journalistes --elles ont reçu des consignes de l'EI dans ce sens via Telegram, confie une Française parmi elles.
"Je ne veux pas parler", lâche en arabe classique, puis en anglais, une femme à l'entrée de sa tente, sa fillette derrière elle dissimulée sous un niqab noir.
"Peut-être les Allemands, ils veulent parler", ajoute-t-elle. "Ma famille et celle de mon mari ne veulent pas".
Ici, les téléphones portables circulent librement, précieuse fenêtre vers le monde extérieur --mais aussi moyen de contacter les jihadistes en fuite.
"On a reçu des informations comme quoi des frères vont venir nous sauver bientôt", dit sans ambages Hanan Hassan, une Irakienne de 35 ans originaire de Mossoul, autrefois capitale autoproclamée de l'EI en Irak.
"Mon mari était avec l'Etat (islamique) et on ne regrette rien, parce qu'on combattait les apostats", lance-t-elle pleine de défi. "On attend la délivrance (...) et on va retrouver le califat".
Ces derniers jours, le nord syrien a connu plusieurs incidents qui font craindre un retour en force de l'EI.
- "Hors de contrôle" -
Près de 800 femmes et enfants de jihadistes étrangers se sont échappés d'un camp de déplacés à Aïn Issa, situé à proximité de combats entre forces kurdes et supplétifs syriens proturcs, ont rapporté les Kurdes le 13 octobre.
Au moins trois Françaises qui étaient retenues ont d'ailleurs été "récupérées" par des jihadistes de l'EI, selon des informations de proches transmises à leur avocate.
Quelques jours plus tôt, cinq jihadistes de l'EI s'étaient échappés d'une prison près de la ville de Qamichli (nord-est), selon les forces kurdes.