Face au tollé international provoqué par son offensive en Syrie, Erdogan durcit le ton
Recep Tayyip Erdogan continue de faire
monter la pression. Le président turc a de nouveau rejeté, mercredi
16 octobre, toute possibilité de cessez-le-feu dans le nord de la Syrie en
guerre depuis 2011. Une
semaine jour pour jour après son déclenchement, l’offensive turque contre la milice kurde des Unités de
protection du peuple (YPG) a déjà rebattu les cartes politico-diplomatiques.
- Erdogan laisse planer le doute sur sa rencontre avec Pence
M. Trump, qui avait dans un premier
temps donné son feu vert à l’opération turque en retirant les troupes
américaines stationnées au nord de la Syrie, a
depuis exhorté Ankara à stopper son offensive et autorisé des sanctions contre
la Turquie.
Pour demander à Ankara de « mettre
fin à l’invasion » en Syrie et de décréter un « cessez-le-feu
immédiat », il a décidé de dépêcher en Turquie son vice-président,
Mike Pence, et son secrétaire d’Etat, Mike Pompeo. Ces derniers devaient
rencontrer jeudi M. Erdogan pour tenter de le convaincre de négocier une
trêve avec les combattants kurdes.
Le chef de l’Etat turc a annoncé, mercredi,
qu’il ne s’entretiendrait pas avec eux : « Ils rencontreront
leurs homologues. Moi, je ne parlerai qu’à Trump, s’il vient. » Des
propos contredits un peu plus tard sur Twitter par le directeur de la
communication de la présidence turque, Fahrettin Altun. Selon lui,
M. Erdogan « prévoit bel et bien de rencontrer la délégation
américaine ». M. Altun a également publié une courte vidéo
où M. Erdogan affirme à des médias turcs qu’il rencontrera MM. Pence
et Pompeo.
En revanche, le président turc se rendra le
22 octobre en Russie pour s’entretenir avec son homologue russe, Vladimir
Poutine.
- L’ultimatum turc
aux forces kurdes
Sommé par les pays occidentaux de stopper
son offensive en Syrie, le président turc a exclu toute négociation avec les
forces kurdes. « Certains dirigeants essayent de mener une
médiation. Il n’y a rien de tel dans l’histoire de la République turque que de
s’asseoir à une même table avec une organisation terroriste », a-t-il
déclaré.
« Notre proposition est la
suivante : tout de suite, ce soir, que tous les terroristes déposent leurs
armes et leurs équipements, détruisent toutes leurs fortifications et se
retirent de la zone de sécurité que nous avons fixée », a ajouté le président devant les parlementaires de son
Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur).
« Lorsque
ce que nous avons décrit sera fait, de Manbij à la frontière irakienne, alors
notre opération “Source
de paix”, qui ne vise que les terroristes, se terminera
d’elle-même », a-t-il poursuivi.
Donald Trump a lui estimé que le Parti des
travailleurs du Kurdistan (PKK), qui mène une sanglante guérilla contre la
Turquie depuis plusieurs décennies, était « probablement » une
plus grande « menace terroriste » que le groupe
jihadiste Etat islamique (EI).
De son côté, le chef des Forces
démocratiques syriennes (FDS), dominées par les combattants kurdes, Mazloum
Abdi, a annoncé le « gel » des opérations contre le
groupe Etat islamique (EI), muté en organisation clandestine depuis sa défaite
en mars. Les FDS se contenteront d’opérations « défensives face à
Daech », a-t-il ajouté.
- Les Russes investissent les ex-zones américaines
Le vide laissé par le retrait des troupes
américaines sur le terrain n’aura pas duré longtemps. Des médias russes ont
montré mercredi des premières images des troupes russes et syriennes prenant
position dans la zone de Manbij.
Moscou a pour sa part précisé que sa police
militaire patrouillait désormais dans la région, afin d’éviter des heurts armés
entre forces turques et syriennes. « Les autorités syriennes et le
commandement russe ont pris toutes les mesures pour assurer la sécurité du
retrait des troupes étrangères », a par ailleurs ajouté, dans la nuit
de mardi à mercredi, le ministère russe de la défense.
- La Chambre des représentants condamne le retrait américain
Donald Trump a défendu bec et ongles le
retrait des troupes américaines de Syrie, mettant en avant ses promesses de
campagne et minimisant la menace qui pèse sur les forces Kurdes. « Je
suis prêt à parier – c’est mon instinct politique qui me le
dit – que c’est ce que l’Amérique veut ».
La Chambre des représentants a adopté une
résolution non contraignante condamnant la décision de Donald Trump de retirer
les troupes américaines du nord de la Syrie. Présentée par des élus démocrates
et républicains, cette résolution « s’oppose à la décision de
mettre fin aux efforts des Etats-Unis pour empêcher les opérations militaires
turques contre les forces kurdes syriennes dans le nord de la Syrie ».
Elle a été adoptée par 354 voix contre 60, avec l’approbation de
129 républicains sur les 197 siégeant à la Chambre.
Lors d’une réunion à la Maison Blanche, le
président s’en est ensuite pris à la présidente démocrate de la Chambre des
représentants, traitant Nancy Pelosi de « politicienne de bas
étage ». « Nous avons vu le président craquer, c’est
triste à dire », a déclaré Nancy Pelosi, en quittant la réunion. « Il
a été insultant, particulièrement envers » Mme Pelosi,
a affirmé Chuck Schumer, chef de la minorité démocrate au Sénat. « Elle
a totalement gardé son calme mais il l’a traitée de politicienne de bas
étage », a-t-il affirmé.
- L’ONU s’inquiète de la dispersion des djihadistes
Dans une très courte déclaration adoptée à
l’unanimité, le Conseil de sécurité de l’ONU s’inquiète « du
risque de dispersion » des djihadistes retenus prisonniers dans
le nord-est de la Syrie, sans toutefois réclamer la fin de l’offensive
militaire turque contre les Kurdes, et fait part de sa « grande
préoccupation » face à l’éventualité d’une « détérioration
accrue de la situation humanitaire » dans le nord-est de la
Syrie.