Un second chercheur français détenu en Iran
Depuis trois mois, Roland
Marchal, chercheur à l’Institut d’études politiques, est détenu en Iran,
comme sa collègue et amie Fariba Adelkhah, une anthropologue franco-iranienne
directrice de recherche du Centre de recherches internationales (CERI) de
Sciences Po, emprisonnée depuis le 5 juin par les gardiens de la
révolution islamique. Les deux sont accusés d’espionnage. Ils avaient été
arrêtés de façon concomitante, mais pas ensemble, elle à son domicile, lui à
son arrivée à l’aéroport en provenance de Dubaï. L’incarcération de
l’anthropologue avait été rendue publique par les autorités iraniennes.
Celle-ci, binationale, est considérée comme une citoyenne iranienne par
Téhéran.
Les autorités françaises, comme la famille et ses
collègues, avaient choisi une totale discrétion pour Roland Marchal, mais Le Figaro a rendu public le cas, le
16 octobre, dans un article consacré à l’affaire de l’opposant iranien
Rouhollah Zam, vivant en France et enlevé à Nadjaf, en Irak, par les services
iraniens. La nouvelle de l’arrestation du chercheur français est de nature à
compliquer encore les efforts déployés par Paris pour apaiser les tensions
entre Washington et Téhéran. Aucun commentaire n’a pu être obtenu
dans l’immédiat auprès du ministère des affaires étrangères français.
Mercredi à midi, Paris, qui a dénoncé une « situation
inacceptable », entend y mettre fin « sans
délai ». Et, dans un mail aux étudiants envoyé à la mi-journée,
la direction de Sciences Po, dont dépend Roland Marchal, a qualifié son
arrestation d’« arbitraire, scandaleuse et
révoltante ».
« Négociation difficile »
« Nous n’avions pas
communiqué sur cette affaire, en accord avec le ministère des affaires
étrangères, qui était soucieux de ne pas compliquer une négociation qui
s’avérait difficile en la plaçant sous le feu du jeu factionnel en Iran et
de sa surenchère nationaliste », explique Jean-François Bayart, ancien directeur
du CERI-Science Po dénonçant l’arbitraire de Téhéran. « Fariba Adelkhah et Roland Marchal sont des
prisonniers scientifiques, arrêtés sur la base de leur qualité de chercheurs et
de leurs travaux, lesquels sont accessibles au public dans leur intégralité, et
placés en détention pour des raisons qui n’ont rien à voir avec leur activité
professionnelle mais tout à faire avec des objectifs extrascientifiques d’ordre
politique ou géopolitique auxquels ils sont complètement étrangers »,
précise-t-il.
Les deux chercheurs, selon les dernières informations
dont disposent leurs collègues, seraient toujours détenus dans la sinistre
prison d’Evin, située à Téhéran, et les interrogatoires de Fariba Adelkhah auraient
repris ces derniers jours. A la différence de son amie, Roland Marchal a
bénéficié d’une assistance consulaire. « Les
conditions de détention sont dures, mais il n’est pas soumis à de mauvais
traitements et bénéficie d’une assistance médicale », explique un
proche de ce chercheur reconnu, spécialiste de l’Afrique de l’Est, venu à
Téhéran pour passer les fêtes de l’Aïd avec sa collègue et amie Fariba
Adelkhah.
Le 9 octobre, la France a diffusé une mise en garde
aux ressortissants français contre tout projet de voyage en Iran, « en raison notamment des pratiques
d’arrestation et de détention arbitraires de la part des services de sécurité
et de renseignements iraniens ». Téhéran a pour l’heure refusé
d’entendre les appels de la France pour la libération de Fariba Adelkhah, les
qualifiant d’« ingérence dans les affaires
intérieures de la République islamique, [de] discorde
et [les accusant de] propager le
mensonge ».